INSIDE LLEWYN DAVIS

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Contrairement à ce qui se dit souvent, le scénario d’Inside Llewyn Davis n’est pas basé sur les mémoires du chanteur folk Dave Van Ronk, mais il est clair que les frères Coen se sont inspiré d’épisodes de sa vie, comme ils se sont imprégnés de l’univers musical des années 1960 à Greenwich Village, recréant le duo improbable Jim and Jean (qui a vraiment existé), ou situant   l’action dans des haut lieux bien réels comme le Gaslight Cafe. Inside Llewyn Davis est une balade nostalgique, un hommage aux petits, aux obscurs, aux sans grades, tous ces musiciens oubliés qui ont pourtant compté et marqué leur temps, même s’ils ne sont pas Bob Dylan !

On connaît l’univers particulier des frères Coen et leur propension à jouer constamment du décalage et de l’ironie grinçante. Ici, rien de tout ça, ils inscrivent leur 16ème long métrage dans la veine de Sang pour sang, Miller’s crossing et A serious man, avec des personnages normaux. Bien que leur définition de «normalité» ne soit pas exactement celle de tout le monde, et si l’on fait abstraction du caractère «bigger than life» de Roland Turner, jazzman cocaïnomane et tonitruant interprété par le grand John Goodman. Celui-ci est un habitué des Coen, puisqu’après Arizona Junior, Barton Fink, Le Grand Saut, The Big Lebowski et O’Brother, c’est la sixième fois qu’il se retrouve devant leur caméra.

L’humanité qui se dégage de Llewyn Davis, de ses compagnons de galère et de ses bienfaiteurs, loin d’être banale est constamment drôle quand elle n’est pas bouleversante. Car ce film parle des rêves, possibles ou impossibles, microscopiques ou démesurés, des rêves de reconnaissance qui vous permettent de vivre pleinement de votre art. Le grand prix du jury au Festival de Cannes 2013 est un immense film humble. Un chef d’œuvre.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver DIAMANTS SUR CANAPÉ DE BALKE EDWARDS (BREAKFAST AT TIFFANY’S, 1961) (Un gros chat roux y joue un rôle essentiel, comme dans Inside Llewyn Davis.) ou encore ONLY LOVERS LEFT ALIVE DE JIM JARMUSCH (2013) (Film d’un grand habitué du Festival de Cannes également présenté en compétition officielle en 2013).

Les frères Coen changent de chef opérateur : Roger Deakins, qui les accompagne depuis Fargo et à l’exception de Burn after Reading, cède ici la place au français Bruno Delbonnel. Celui-ci a travaillé entre autres avec Jean-Pierre Jeunet sur Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain, et Un long dimanche de fiançailles, David Yates pour Harry Potter et le prince de Sang mêlé, et Tim Burton pour Dark Shadows. L’image douce et brumeuse aux teintes sépia, entre les bruns et les bistres, rappelle les pochettes de 33 tours d’époque.

C’est un film qui s’adresse à tous nos sens. Bonheur visuel et même tactile et odorant, car on jurerait que le pelage du chat roux est soyeux, et que la vieille veste en velours côtelé de Llewyn est râpeuse, que des essences de patchouli se mélangeant au tabac froid flottent dans l’air des appartements newyorkais. Plaisir, enfin, des oreilles, avec des chansons jouées in extenso et chantées par Justin Timberlake ou Oscar Isaac. Si Timberlake prouve qu’en dehors de chanteur à succès, il est toujours aussi bon comédien et n’hésite pas plus ici que dans Sexe entre amis ou Bad Teacher à s’amuser avec sa propre image, Oscar Isaac est vraiment la découverte du film.

Repéré dans Drive ou Jason Bourne : héritage, où il n’avait que de petits rôles, le beau gosse aux ascendances cubaines et guatémaltèques est ici tout bonnement prodigieux, touchant, énervant, drôle, émouvant, il a aussi une voix idéale, forte et légèrement écorchée. Parmi une bande originale impeccable, sa version de Fare Thee Well vieille ballade anglaise du XVIIIème siècle est un moment de grâce absolue.

« Pendez-moi, j’ai défié le monde… » chante Llewyn dans la chanson qui ouvre le film. Tout est là, comme souvent chez les frères Coen, pour irrémédiablement condamner le protagoniste. Parasite, squatteur, coucheur irresponsable, voire collègue antipathique, il promène ...

Prix Spécial du Jury au Festival de Cannes session 2013, Inside Llewyn Davis est en effet un très bon cru des frères Coen qui se déguste avec délectation : un film ironique, pluvieux et hivernal, ce qui explique peut-être sa sortie en novembre, sur les mille galères d'un ...

Il m’aura finalement fallu 24h pour mettre le doigt dessus. Le dernier film des frères Coen distille pendant 1h45 un sentiment diffus, insaisissable. Pendant toute la projection, cette curieuse impression que tu assistes à quelque chose de beau et maitrisé, de haute volée ...