RICORDI ? en VOD
- De
- 2019
- 106 mn
- Drame
- France | Italie
- Tous publics
- VO - HD
PARCE QUE
Tant de comédies et de drames romantiques se déroulent linéairement, en trois temps : elles démarrent toutes par un amour fou suivi d’un éloignement, et enfin vient la réconciliation. Ricordi ? ne se départit pas de cette temporalité, mais la fait voler en éclats grâce à son montage : allers et retours dans les souvenirs respectifs de chacun de ses personnages, alternances entre l’après et l’avant, insertion du présent dans une temporalité diffractée… Pour mieux perdre le spectateur ? Plutôt pour capter son attention en privilégiant une mise en scène à la fois originale et exigeante, à tel point que les deux personnages principaux n’ont pas de prénom. Tout juste sont-ils prononcés, au début, qu’ils disparaissent pour conserver l’essence de cette relation, soit une histoire d’amour entre un homme et une femme.
Si Luca Marinelli est plus connu sous nos contrées pour ses rôles dans On l'appelle Jeeg Robot, Martin Eden, ou encore The Old Guard, Linda Caridi n’en est pas moins lumineuse et à la hauteur du magnétisme de l’acteur qui lui donne la réplique. Ricordi ? lui permet de dévoiler toute une palette d’émotions via son jeu d’actrice, qui à travers son personnage la fait passer d’une gaité à la fois simple et belle à une mélancolie profonde, comme contaminée par la noirceur d’un partenaire incapable de sortir de la spirale infernale dans laquelle il se trouve. Par ce jeu de miroir, Ricordi ? opère une inversion des positions de chacun qui montre les conséquences d’une relation amoureuse fusionnelle.
Le réalisateur Valerio Mieli fait de Ricordi ? un film synesthésique. Après son précédent film, qui était également son premier ainsi qu’une histoire d’amour (Dix hivers à Venise), Valerio Mieli va plus loin que le lien tissé entre les saisons et les sentiments : Ricordi ?, qui se situe essentiellement durant la période estivale, assume une photographie entre couleurs froides et chaudes appuyées pour témoigner des états émotionnels de ses personnages. De cette façon, le bleu caractérise la forteresse mentale dans laquelle Luca Marinelli est confiné, tandis que les tons dorés et rouges montrent la joie presque innocente de Linda Caridi.
Comme son nom l’indique, Ricordi ? (“tu te rappelles”) est basé sur le souvenir, dont le principe sert de concept à tout le film. D’abord via la nostalgie qu’il inspire, car il permet de vivre dans le passé et pas l’instant présent, mais aussi pour le mensonge qu’il peut représenter en tant que biais cognitif ; souvent, un souvenir commun ne possède ni la même valeur, ni la même charge affective selon les personnes. De là en résulte une falsification de l’histoire, une perception altérée de ce qui a été et qui n’est plus. C’est ce que le personnage de Luca Marinelli traverse à plusieurs reprises, voyant les femmes qu’il a connues dans sa vie comme ce qu’elles ne sont pas, le poussant à s’isoler toujours un peu plus. En jouant avec les modes de narration, qui se basent tour-à-tour sur l’un des deux personnages, Valerio Mieli nous dit par extension à quel point le cinéma peut se faire le relais de cette mystification.