QUELQUES MESSIEURS TROP TRANQUILLES

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Il y a plusieurs périodes dans la carrière très prolifique de Georges Lautner. Les premières années, à partir de 1958, sont celles du film de résistance, du film noir classique. Avec quelques très belles réussites, Arrêtez les tambours ou le Septième juré. Mais l’adaptation d’un roman d’espionnage, Le Monocle noir, signé par le colonel Rémy lui fait prendre un chemin buissonnier, un peu à l’insu de son plein gré. Parce que les rebondissements sont trop marqués, parce que Paul Meurisse, qui incarne le rôle principal a un jeu très distancié, il est difficile de ne pas rire. Lautner en profite pour rajouter des gags. Le film fera un triomphe, et sera suivi de deux séquelles. Georges Lautner a trouvé sinon son identité profonde, du moins son terrain de prédilection, la comédie policière, parodique de préférence. Le sommet du genre sera bien entendu dès 1963 Les Tontons flingueurs, film mythique s’il en est, dont tous les cinéphiles connaissent les répliques les plus percutantes, dues à la plume d’Audiard.

Lautner exploite le filon. Il aurait tort de se gêner. Surtout quand c’est Audiard qui écrit les dialogues et que ce sont Bernard Blier, Jean Yanne ou Jean Lefebvre qui les disent. La guirlande de ces parodies brillantes est longue : Les Barbouzes, Ne nous fâchons pas, Laisse aller c’est une valse, Il était une fois un flic. La liste n’est pas exhaustive. Ce qui ne veut pas dire que notre homme ne se frotte pas à d’autres genres et qu’il rechigne à introduire un peu de noirceur dans les histoires qu’il nous raconte. Notamment quand Delon est dans le coup : Les Seins de glace ou Mort d’un pourri échappent visiblement à la comédie.

Quelques messieurs trop tranquilles est clairement une farce. Pourtant le film est adapté d’un roman noir d’ADG, La nuit des grands chiens malades. ADG était dans les années 70 l’une des figures marquantes du néo-polar à la française, qui ont apporté un nouveau souffle au genre. Mais contrairement à la plupart de ses petits camarades, et notamment du plus connu d’entre eux, Jean-Patrick Manchette, étiquetés à l’extrême-gauche et tentés par l’anarchisme, ADG se voulait un représentant de la droite dure, jusqu’à défendre les couleurs du Front national en Nouvelle Calédonie. Mais rassurons-nous, cela ne se voit pas dans le film de Georges Lautner qui a passé sa vie à se réclamer d’un humanisme sans concession.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver LAISSE ALLER C'EST UNE VALSE (C'est une autre parodie policière signée Lautner) ou encore QUAND TU SERAS DÉBLOQUÉ, FAIS MOI SIGNE (C'est une autre comédie mettant en scène un groupe de hippies).

On l’a vu, une bonne partie du ressort comique du film réside dans l’opposition entre deux mondes, celui des paysans du cru, et celui des hippies, qu’on n’appelait pas encore des babas cool. Sans nécessairement verser dans la caricature, il est vrai que les années 70 avaient vu un certain nombre de jeunes urbains en rupture de ban se tourner vers la campagne. Pétris d’idées soixante-huitardes ils pensaient, sans doute à raison, qu’il était plus sain de faire du fromage de chèvre au sein d’une communauté joyeuse que de jouer au gratte-papier au sein d’une administration ou d’une entreprise. Il était tentant de se moquer de ce refus radical des valeurs établies, ce dont beaucoup ne se sont pas privés. Il n’empêche que s’exhalait alors un parfum de liberté que nous peinons à retrouver… Révélée par Les Valseuses, figure de proue du café-théâtre, Miou-Miou était une figure idéale, et populaire de surcroît, pour incarner ces doux rebelles. C’est tout bénef pour le film, puisque elle est également une très bonne actrice, que Georges Lautner a dirigée à plusieurs reprises.

De l’autre côté, chez les paysans frustrés ou offusqués, chez les gangsters d’opérette, on retrouve la bande habituelle de Georges Lautner. Soit une brochette de comiques qui n’ont pas que des chefs d’œuvre à leur actif, mais qui possèdent incontestablement une aura peu banale. Jean Lefebvre, Michel Galabru, André Pousse, Paul Préboist, Robert Dalban… Les occasions de mobiliser nos zygomatiques ne manquent pas. L’inoxydable Renée Saint-Cyr elle-même est au rendez-vous, d’autant plus à l’aise dans les films de Lautner qu’elle est sa mère… Ajoutons qu’un autre gai-luron est également de la partie, en tant que coscénariste, Jean-Marie Poiré, le futur réalisateur du Père Noël est une ordure et des Visiteurs. C’est également le fils d’Alain Poiré, producteur historique de la Gaumont, à qui Lautner doit beaucoup. Dix ans plus tard, Jean-Marie Poiré signera une comédie acide et subtile à la fois sur le phénomène hippie, Mes Meilleurs copains. Irrésistible.

Quelques messieurs trop tranquilles n’est sans doute pas un chef d’œuvre. Mais c’est un moment de cinéma en liberté. On sent que l’équipe s’en est donné à cœur joie  - Lautner n’est pas de ceux qui travaillent dans la douleur. Et cette légèreté qui irrigue le film est communicative. Georges Lautner est un homme modeste, qui s’est appliqué à profiter de la vie sans chercher noise à autrui. Il n’a jamais appartenu à un courant, une coterie, il n’a jamais ramassé le moindre prix et n’est guère étudié dans les universités. C’est pourtant un cinéaste majeur, irremplaçable. Que cette chronique nous donne l’occasion de saluer…

A la base, il y a un bon roman de A.D.G., auteur de la nouvelle Série Noire des années 70, qui se déroulait dans le Berry (région natale de son auteur) et que Georges Lautner a transposé dans le Quercy, à Loubressac, un ravissant village situé dans le Lot entre Brive et ...

Je ne suis pas un grand fan de Jean Lefèvre, ais j'ai une certaine affection pour l'acteur, parce qu'il me fait penser à mon grand-père ; la ressemblance n'est pas énorme, mais son côté zen et ses petits yeux tristes m'ont toujours rappelé le père de mon père. Je me souviens ...

Un bon film français comme on n'en fait plus: un petit village paumé (Loubressac), une brochette d'habitants terrible (Jean Lefebvre et Michel Galabru entre autres) et pour gratiner le tout, une bande de hippies qui s'installent. Le décors est planté. Ce film vaut la peine ...