LES FILLES en VOD
- De
- 1968
- 100 mn
- Comédie
- Suède
- Tous publics
- VO - HD
PARCE QUE
En mars 1994, de grandes actrices du cinéma décédaient : la Grecque Melina Mercouri, l'Italienne Giulietta Masina et, enfin, la Suédoise Mai Zetterling, très certainement (et injustement) la moins connue des trois. Dans les années 40, Mai Zetterling devient donc comédienne, tournant plusieurs films dans son pays, mais aussi en Angleterre et aux États-Unis, sans aucun vrai chef-d'œuvre à son actif. Un thriller aventureux par-ci (Aventures à Berlin), une comédie avec Danny Kaye par-là (Un grain de folie). Et même un pré-film catastrophe (Panique en plein ciel). Elle est en quelque sorte l'une des nombreuses starlettes en vogue des années 40/50. Et tourne aussi en 1957 dans une petite pépite trop méconnue, Pour que les autres vivent de Richard Sale, incroyable film maritime de survie où l'action se passe entièrement dans un canot de sauvetage après le naufrage d'un cargo (à l'image du Lifeboat d'Hitchcock réalisé 13 ans plus tôt).
Mais Mai Zetterling se trouve vraiment lorsqu'elle décide de passer derrière la caméra dès le début des années 60. Après s'être fait la main sur un court-métrage qu'elle produit et écrit (Le Jeu de la guerre – 1962), elle réalise une dizaine de long-métrages (en comptant ses travaux pour la télévision), très engagés et totalement inscrits dans leur époque. Exactement comme sa consœur Ida Lupino, surnommée "l'insolente féministe d'Hollywood". Notre "insolente féministe de Suède", dresse ainsi de sublimes portraits de femmes, comme dans Jeux de nuit (1966), dont certaines scènes déshabillées firent leur petit scandale à l'époque. Ou encore Docteur Glas (1968), sur la femme d'un pasteur qui refuse de consommer son mariage. Des films qui, avec une subtilité psychologique rare, entrent dans la psyché de femmes en quête de liberté, qu'elle soit physique ou intérieure.
Idem avec Les Filles (1967), probablement son meilleur essai, où l'on suit le parcours marital, amoureux, professionnel et émotionnel de trois actrices partant en tournée pour interpréter sur scène Lysistrata, pièce grecque antique d’Aristophane où des femmes s'insurgent contre la domination des hommes. Mais les textes et les dialogues de la pièce finissent par avoir des répercussions sur les trois comédiennes, qui ne peuvent s'empêcher de faire des rapports étroits entre leurs vies réelles et les personnages qu'elles interprètent. Naît alors chez elles une révolte envers la gente masculine. Au point qu'elles refusent de coucher avec leurs conjoints en faisant “la grève du sexe”.
Féministe avant l'heure, très moderne pour son époque, Mai Zetterling réalise un film puissant et techniquement novateur, aussi drôle que tragique, sur fond de parti pris esthétique pouvant faire penser aux films de la Nouvelle Vague qui connaît alors son plein âge d'or. Mai Zetterling joue aussi beaucoup avec la composition de ses cadres et le surdécoupage de certaines séquences. Notamment le final, hystérique, où les trois formidables actrices (Bibi Andersson, Harriet Andersson et Gunnel Lindblom, toutes vues chez Bergman) sont à fond dans leurs rôles et au bout de leur révolte. Comme si leurs vies en dépendaient !