AMOROSA en VOD
- De
- 1986
- 117 mn
- Drame
- Suède
- Tous publics
- VO - HD
PARCE QUE
Méconnue de ce côté de la mer baltique, Agnès von Krusenstjerna reste une figure marquante de la littérature suédoise. Ses romans et nouvelles font scandale dans des années 30 conservatrice : ses textes posent un regard frontal sur l'identité féminine, de ses frustrations à ses émois sexuels qui lui valent une réputation d'immoralité. Plus encore quand ils mélangent fictions et autobiographie pour exprimer autant ses phases de dépression que son refus des conventions de son milieu familial aristocratique. Soit un personnage ultra-romanesque qui ne pouvait que devenir un personnage de cinéma.
Plus qu'un hommage rendu à von Krusenstjerna, Mai Zetterling en fait avec Amorosa une figure de proue du féminisme. Sa vision d'une écrivaine en lutte contre ses tourments comme contre l'aliénation sociale l'envisage comme une héroïne du quotidien. Rien d'étonnant à ce que la réalisatrice la plonge d'emblée dans une atmosphère oppressive, d'une première apparition en camisole de force au décor d'une Venise claustrophobique. Amorosa n'aura de cesse d'y faire brûler le libératoire feu intérieur de cette femme.
Amorosa vise à retrouver l'essence des textes de von Krusenstjerna, confrontation orageuse entre mal-être et sentiments exacerbés. Pour cela Zetterling fera une concession : si ses films précédents ont tous été tournés en noir et blanc, Amorosa passe à la couleur pour nourrir de sublimes jeux d'ombres et de lumières dignes des peintres impressionnistes renforçant dans certaines séquences (comme celle du mariage ou cette immersion dans un carnaval et ses masques trompeurs) le trait acerbe d'une galerie de personnages, symbole du monde que von Krusenstjerna voulait fuir.
Amorosa est le dernier long-métrage que réalisera Mai Zetterling (elle décèdera en 1994). Un adieu singulier quand il tient d'un retour aux sources : après avoir choisi d'adapter pour Les amoureux, son premier film, un roman de von Krusenstjerna, Zetterling s'attaque donc à la vie même de l'écrivaine. Amorosa développant un effet miroir : comment ne pas superposer le parcours d'une femme qui aura été en lutte contre les diktats du patriarcat et de l'establishment et celui d'une cinéaste qui aura toujours revendiqué sa volonté de s'émanciper des codes de l'industrie du cinéma suédois, de conserver sa liberté d'esprit et de ton ?