LA BELLE ENDORMIE

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La belle endormie s'inspire d'un fait de société qui a déchiré l'Italie en 2008. Une femme, Eluana Englaro, âgée d'une trentaine d'années,  était dans le coma depuis dix sept ans, suite à un accident de voiture. Son père parvint à convaincre les autorités de cesser de faire fonctionner les machines qui lui permettaient de respirer encore artificiellement. Il s'en est alors suivi un violent débat de société contre ce geste qui était considéré comme un acte d'euthanasie.  Médecins, politiques, religieux se déchirèrent pour savoir si une telle décision était acceptable ou non, jusqu'à l'intervention du premier ministre Silvio Berlusconi qui tenta de faire passer une loi pour stopper l’action du père de la jeune femme.

Le cinéaste Marco Bellocchio a longtemps cherché l'angle idéal pour traiter cette histoire. Finalement, il a décidé de la traiter par la bande, et le film ne ressemble en rien au docu-drama qu'un tel sujet pouvait laisser craindre. Au contraire, Bellocchio préfère la forme du film choral, filmant une multitude personnages parfois totalement déconnectés de l'affaire proprement dite, et les montre dans leur vie quotidienne avec les répercussions morales que ce fait de société peut provoquer dans leur être profond. On voit ainsi un sénateur qui hésite à voter au projet de loi à propos de l'euthanasie soutenu par son parti. Sa fille Maria, catholique militante, manifeste contre l'arrêt des machines qui tiennent en vie cette belle endormie. Une actrice abandonne sa vie pour rester aux côtés de sa fille elle aussi dans le coma. Rossa, une jeune fille droguée, est aidé par un médecin qui veut l'aider à se sortir de son addiction.
Marco Bellocchio n'est donc pas là pour nous dire quoi penser de cette histoire, mais montre les conflits et les dilemmes que tout être humain doit chaque jour affronter. Que faire de la souffrance de l'autre ? Doit-on faire passer ses convictions morales avant les décisions de son propre clan ? La religion peut-elle donner un sens à la vie ? Quand doit cesser l'acharnement thérapeutique ? La Belle endormie est un film complexe qui présente les contradictions présentes en chaque humain, et finalement dresse un portrait de l'Homme, avec un grand H, plein d'humanisme mais sans œillère.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver "MAGNOLIA" DE PAUL THOMAS ANDERSON (Portrait de plusieurs individus qui vont plus ou moins se croiser. Chacun est confronté à des choix de vie, à des décisions à prendre et tout le monde doit lutter contre ses propres pulsions destructrices.) ou encore "C'EST MA VIE APRÈS TOUT" DE JOHN BADHAM (Un sculpteur a un accident de voiture et devient paralysé. Il cherche alors à ce qu'on mette fin à ses jours de façon légale.).

Le directeur de la photographie, l'homme responsable des éclairages, s'appelle Daniel Cipri et a une carrière tout à fait étonnante. Au milieu des années 80, avec un autre réalisateur, Franco Maresco, ils forment un duo de réalisateurs originaux, tournant des courts métrages expérimentaux, des documentaires, des clips ainsi qu'une série TV surréaliste. Ce sont deux trublions qui veulent en découvrent avec la morosité du cinéma italien. On leur doit trois longs métrages bizarres, L'Oncle de Brooklyn, Toto vécut deux fois narrant des épisodes de la vie du Christ et Le Retour de Cagliostro. En parallèle à ses activités de réalisateurs, Daniel Cipri a continué à travailler pour les autres en tant que directeur de la photographie. C'est sa seconde collaboration avec Marco Bellochio, après Vincere. En 2013, il a réalisé son premier film en solo, Mon Père va me tuer.

Dans le rôle de l’homme politique, l’acteur Toni Servillo. Grand acteur de théâtre, il a possédé sa propre compagnie, et a notamment beaucoup joué de pièces de Molière, du Misanthrope à Tartuffe. Il a également mis en scène de nombreux opéras. Sa carrière au cinéma est sporadique jusqu’à sa rencontre avec le réalisateur Paolo Sorrentino. Il tourne dans son premier film, et le retrouvera dans presque tous les suivants. Son rôle le plus marquant est celui de Il Divo dans lequel il incarne le président du conseil des ministres Giulio Andreotti.

Le réalisateur Marco Bellocchio débute sa carrière de réalisateur en 1965, avec Les Poings dans les poches. Cette description clinique d’une famille rongée par la haine, la jalousie et les maladies psychiques sera reçue comme un choc et le film fera scandale. Bellocchio poursuite son entreprise de destructions des valeurs italiennes, s’en prenant à la religion et au pouvoir. Son cinéma parle de la folie, de l’inceste, du suicide, des thèmes sombres traités frontalement. Les années 80 seront plus difficiles pour le cinéaste, ni Le Diable au corps avec Maruschka Detmers ni La sorcière avec Béatrice Dalle ne seront jugés satisfaisants. Bellocchio aura beau continué à tourner, il ne fait plus partie des grands cinéastes internationaux. Pourtant les années 2000 marqueront un renouveau pour le cinéaste. Il enchaîne plusieurs films magnifiques, Le Sourire de ma mère, Buongiorno Notte, Vincere ainsi que La Belle endormie, montrant un cinéaste et son art retrouvé.

Qui n’a jamais contemplé un enfant qui dort ? Une image si paisible que l’on se prend parfois à ne pas oser le réveiller. Mais la valeur de ce moment fortuit réside dans sa longévité d’un instant. Le prolonger, c’est retarder la vie… La Belle endormie est cet enfant ...

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