ALLIANCE CHERCHE DOIGT

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Depuis Les dragueurs et Un couple, ses deux premiers longs métrages, Jean-Pierre Mocky aborde régulièrement les difficultés relationnelles entre les deux sexes. Le sujet des agences matrimoniales le taraudait depuis longtemps lorsqu’il entreprend Alliance cherche doigt, qui est un peu le négatif des Compagnons de la marguerite, réalisé trente ans auparavant. Claude Rich y était un virtuose en écritures falsifiant les états civils pour permettre à des gens mal assortis d’être séparés sans divorce et remariés avec la bonne moitié. L’utopie était gentiment libertaire, comme la loi que Bourvil imaginait dans L’étalon, proposant des amants assermentés et remboursés par la Sécu pour satisfaire sexuellement des épouses délaissées.

En 1996, son discours a changé. Sur les ruines de la libération sexuelle, dans une société française rongée par le capitalisme et la marchandisation du service, Jean-Pierre Mocky n’a plus le sens de l’utopie. Ses personnages principaux, en quête d’une âme sœur, n’ont aucune solution miracle. Victimes de solitude, ils essaient les différentes méthodes de rencontres et Mocky s’en donne à cœur joie pour railler les kermesses de célibataires, les rencontres par le Net, les agences, la prostitution cachée.

Satiriste désormais désabusé, il ne perd pas pour autant sa verve singulière. A la manière d’un film à sketches, des saynètes s’accumulent, grinçantes, irrévérencieuses ou burlesques, même inquiétantes. Au fil des personnages croisés par Guillaume Depardieu, qui vient de reprendre l’agence matrimoniale de sa mère, et François Morel, son client pot-de-colle, Mocky radioscopie une France rarement filmée, fouillant dans les recoins d’associations paroissiales, dans les allées marchandes d’une grande surface ou dans le pavillon sordide d’une famille dégénérée digne de la comédie italienne.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver L'AMOUR À LA VILLE (L'épisode "L'agence matrimoniale", réalisé par Il Maestro Federico Fellini, traite aussi de la quête d'amour d'un être prêt à tout pour rencontrer l'âme soeur. Même si l’intérêt est ici avant tout pécuniaire...) ou encore QUATRE MARIAGES ET UN ENTERREMENT (Une comédie irrésistible dont la thématique principale est indiquée dans le titre: le mariage (et l'enterrement, certes) !).

Jean Anouilh, Raymond Queneau, Marcel Aymé, Frédéric Dard, Patrick Rambaud. Jean-Pierre Mocky apprécie le concours des écrivains. Pour Alliance cherche doigt, il travaille avec l’essayiste et romancier Dominique Noguez, Prix Fémina 1997, connaisseur du cinéma expérimental et membre de l’académie Morlock fondée par Joseph Morder et Gérard Courant, ainsi baptisée en référence au personnage que Francis Blanche interprète dans Snobs. Outre l’écriture des dialogues, Noguez interprète le court rôle du dentiste Benazeraf.

Comme toujours avec Mocky, la distribution contient d’autres surprises : la mondaine Hermine de Clermont-Tonnerre, en chômeuse snob, le retour sur les écrans de Françoise Blanchard, vedette sexy de séries B, révélée par Jean Rollin dans La mort vivante, Isis Peyrade, modèle pour d’envoutantes photos d’Irina Ionesco, le très jeune Tomer Sisley, dans son premier rôle. Le prestidigitateur Garcimore surprend aussi en thérapeute dépressif.

A cette époque son assistant, je peux témoigner à quel point Mocky est resté fidèle à une tradition populaire du cinéma français, peu avare en seconds rôles, en gueules saillantes, soudain propulsées en avant. Il n’était jamais question de sacrifier un petit rôle en le filmant de dos, de concentrer tout le cadre sur la vedette, de renoncer aux défauts ou aux jeux approximatifs de certains, qui donnent alors un relief inattendu au film. Les gens de la rue, les physiques étranges ont ses faveurs. Vainement Artmédia, célèbre agence de comédiens, nous harcelait pour placer de très quelconques actrices, en exigeant des rôles importants. Le casting, c’était lui et moi, et personne d’autre.