The Painted Bird a été très controversé lors de ses premières séances publiques. Présenté d’abord aux Festivals de Venise, de Toronto, de Chicago et de Londres, en 2019, il a provoqué au sein de l’audience des réactions extrêmes, certains journalistes ayant décidé de quitter la salle face à ses scènes ultra violentes ou particulièrement dérangeantes. Il est de ces films clivants et sauvages, parfois insoutenable, qui ne laissent toutefois personne indifférent. Baromètre important s’il en est, le site agrégeant des critiques anglophones Rotten Tomatoes indique 81% de retours positifs de la presse US. Chez Esquire, on dit que « peu de films sont si difficiles à regarder de bout en bout – ou difficiles à ce point à oublier » ; chez Empire, on soutient que « c’est un peu trop, mais vous ne pouvez pas détourner le regard. Du cinéma saisissant. » ; quant au Wall Street Journal, on souligne « une expérience envoûtante » et dans les pages du Guardian, c’est 5 étoiles qu’on attribue à la critique. Dans le camp des détracteurs, le National Review évoque du « torture porn », le Los Angeles Times « un film un peu trop facile » et le AV Club « un spectre émotionnel limité ». Le Hollywood Reporter, qui fait autorité dans la presse américaine, dit de The Painted Bird qu’il est l’un des meilleurs longs-métrages projetés lors de la saison automnale des festivals en 2019.
La République tchèque a naturellement sélectionné The Painted Bird pour représenter le pays à la 92e cérémonie des Oscars. Mais le film n’a pas atteint la sélection finale, composée de Parasite (Corée du sud), La Communion (Pologne), Honeyland (Macédoine du nord), Les Misérables (France) et Pain & Glory (Espagne). En revanche dans son pays, le film a fait une véritable razzia sur les récompenses locales, les Lion Awards. Auréolé de 12 nominations, le film est reparti avec 9 victoires. Meilleur film, Meilleur réalisateur pour Václav Marhoul, Meilleur montage, Meilleurs décors, Meilleurs maquillages et coiffure, Meilleurs costumes, Meilleur son, Meilleur poster et Meilleure direction de la photographie (par ailleurs spécialement honorée par la presse tchèque). The Painted Bird a également été nommé parmi les meilleurs longs-métrages aux European Film Awards.
Doté d’un budget de 5 millions d’euros, le film a rapporté 500 000 euros lors de son exploitation nationale mais il a voyagé dans le monde, acheté par plusieurs territoires, dont la France en exclusivité pour FilmoTV, l’Angleterre où il est sorti en salles en mars 2020 et les États-Unis, par IFC, qui l’a distribué dès juillet 2020. Film tchèque, ukrainien et slovaque, The Painted Bird a été tourné sur presque deux ans, à partir de 2017, entre l’Ukraine, le sud de la Slovaquie et la République tchèque – on recense 100 jours de tournage au total. Ne voulant pas stigmatiser des peuples en particulier, ni préciser la géographie exacte du récit, Václav Marhoul n’a pas écrit ses dialogues en russe, ou en polonais ou en ukrainien mais a utilisé – et c’est une première au cinéma – la langue interslave. Il s’agit d’une langue, inventée en 2006 par un comité de personnes – dont Jan van Steenbergen, célèbre linguiste allemand –, qui vise à être comprise par tous les peuples slaves, en dépit de leur langue, afin de faciliter la communication.
The Painted Bird est une adaptation, celle du roman de Jerzy Kosinski intitulé « L’oiseau bariolé » et écrit à la première personne, le narrateur étant l’enfant. Il a longtemps été supposé que l’histoire, racontée dans le livre, possédait des éléments autobiographiques mais, contrairement à ce que l’auteur aurait dans un premier temps laissé entendre, il s’agirait d’une totale fiction. Par ailleurs, une suspicion de plagiat a entaché l’excellente réputation du livre. Toujours est-il que Václav Marhoul se souvient, pour le site Curzonblog.com : « J’ai trouvé un article sur Internet qui affirmait que de son vivant, Kosinki n’aurait donné les droits d’adaptation de son livre qu’à deux metteurs en scène : Luis Buñuel ou Federico Fellini. L’un de mes acteurs, Julian Sands, a discuté avec Warren Beatty qui était un très bon ami de Jerzy Kosinski. Il désirait adapter le livre mais Kosinski ne l’a jamais laissé faire, peu importe leur amitié ou qu’ils aient collaboré sur le scénario de Reds. Kosinski s’est suicidé, il n’a jamais eu son mot à dire à mon encontre ! Il m’a fallu deux ans pour obtenir les droits, trois ans pour accoucher de dix-sept versions du scénario et quatre ans pour trouver les financements ». Pour l’anecdote, « L’oiseau bariolé » a inspiré le groupe Siouxsie and the Banshees pour écrire la chanson « Painted Bird » en 1982.
Entre un cheval à la patte estropiée, traîné par des congénères dans la boue, des poulets égorgés, des furets brûlés vifs et des chèvres décapitées, The Painted Bird ne lésine pas sur les cruautés infligées aux animaux, une manière d’illustrer d’autant plus la sauvagerie et la bassesse humaines. Aucun acte de violence n’a été commis sur de vrais animaux, se défend le réalisateur, louant la qualité des effets spéciaux et le professionnalisme des dresseurs sur le plateau. Un soin et une bienveillance d’autant plus nécessaires que le jeune acteur Petr Kotlár, qui joue le rôle principal du film, est un amoureux des bêtes. C’était même la porte d’entrée du réalisateur pour diriger l’enfant : « Il adore les animaux et plus particulièrement son chien. Par exemple, si j’avais besoin d’obtenir de lui une certaine expression dans ses yeux, je lui disais ‘Petr, essaie d’imaginer qu’un méchant monsieur soit venu ce matin et t’aie volé ton chien. Tu ne sais plus où il se trouve désormais.’ Et voilà, j’obtenais ce que je voulais ! » L’un des vrais succès du film est de parvenir à provoquer une empathie indéfectible pour ce petit garçon qui grandit dans une guerre atroce. « J’ai toujours dit que ce n’était pas un film de guerre, précise Václav Marhoul. Ce n’est pas non plus un film sur l’Holocauste. C’est un récit intemporel ». On aurait probablement préféré que ce soient des images figées dans le passé.