REGAIN en VOD
- De
- 1937
- 137 mn
- Drame
- France
- Tous publics
PARCE QUE
Marcel Pagnol a écrit de nombreux scénarios originaux, également vu ses propres œuvres adaptées par d’autres (Marius et Fanny, qu’il ne réalise pas), et a aussi, à plusieurs occasions, adapté lui-même d’autres écrivains, dont le plus important est Jean Giono. Des quatre films (avec Jofroi, Angèle et La Femme du boulanger) qu’il lui a inspirés, Regainest néanmoins celui où cet emprunt se ressent le plus, et l’un des moins immédiatement “pagnoliens” des films de Marcel Pagnol.
Le décor n’a rien de trop dépaysant (les villages en ruines de la moyenne montagne haut-provençale, surplombant une ville qui évoque Manosque), et les personnages ont l’accent chantant de ses héros marseillais. Ils n’ont cependant pas tout à fait leur rondeur ni leur bonhomie : ils sont plus durs, cruels pour certains, moins limpides dans leurs intentions. Ils n’ont pas la brillance des figures du Bar de la Marine, mais plutôt la matité inquiétante des montagnards.
Regain est un travail sur un thème, la désertification des zones rurales (et leur repeuplement que le livre et le film matérialisent par les vertus de la fable et d’un certain idéalisme), et sur une poignée de personnages très denses qui échappent aux archétypes qu’on serait tentés de leur affubler. Panturle, “l’homme des bois”, est une apparition singulière, alliage de sauvagerie et de distinction auquel la diction peu méridionale de Gabriel Gabrio apporte un contraste saisissant. Arsule, jouée par Orane Demazis, la maîtresse de Pagnol et la Fanny de la trilogie marseillaise, est la femme aimée mais reste un personnage de miséreuse indéchiffrable, attachée silencieusement à sa survie, plus du côté de la Gelsomina de La Strada que d’une jouvencelle de conte. Fernandel, enfin, magnétise tout le film dans un personnage duplice et manipulateur mais inexplicablement magnétique, tour à tour ridiculisé et sublimé à l’état de mauvais génie à l’intelligence supérieure, parfois gesticulant comiquement dans sa lâcheté, parfois dominant les négociations avec une sérénité de sphinx. Rien que pour ce rôle qui est l’un des plus frappants du futur interprète de Don Camillo, il ne faut pas passer à côté de ce film qui résonne aussi aujourd’hui avec le retour de la thématique de l’abandon des campagnes, et d’un “regain” que même le conte ne semble plus pouvoir formuler.