FANTASMES ET FANTÔMES

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Ecrivain, spécialiste du cinéma, enseignant, Noël Herpe a attendu la cinquantaine pour signer son premier long-métrage, Fantasmes et fantômes, dans lequel il est également acteur. Fasciné par le théâtre de la Belle-Epoque, il a choisi de porter à l’écran trois courtes pièces -une de Georges Courtine et deux d’André de Lorde- qui composent ce film.

Ces trois segments s’inscrivent dans des registres différents. Le premier, Mentons bleus !, met en scène un comédien mégalomane qui plastronne dans un café. Dans Au téléphone, deux femmes, dans une demeure isolée, font face à la terreur quand la nuit tombe. Le Système du docteur Goudron, inspiré d’une nouvelle de Poe, brouille les cartes entre soignants et fous dans une clinique.

Noël Herpe n’a pas cherché à masquer l’origine théâtrale des textes adaptés. Pour mettre en scène ces histoires hantées par la folie et la force de l’imaginaire, il tourne le dos au naturalisme et rend hommage à des traditions oubliées tout en se livrant à diverses expérimentations.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver PERCEVAL LE GALLOIS (Ce film d'Eric Rohmer (cinéaste auquel Noël Herpe a consacré un ouvrage) assume lui aussi ses décors peints.) ou encore LE ROMAN D'UN SPAHI (Le scénario de ce film de 1936 a été écrit par André de Lorde, auteur de deux des pièces adaptées dans Fantasmes et fantômes.).

La passion de Noël Herpe pour le théâtre du début du vingtième siècle remonte à l’enfance. Tout au long de son adolescence, il a dévoré des dizaines de pièces du répertoire français des années 1900 jusqu’à 1940 environ, passant d’Edouard Bourdet à Sacha Guitry. Ce « plaisir coupable » allait au-delà de la simple lecture : il interprétait à haute voix tous les personnages et s’enregistrait au magnétophone ! Fantasmes et fantômes lui fournit ainsi l’occasion de renouer avec son goût pour le jeu, la comédie. Il s’est attribué le rôle principal dans le premier et le troisième segment et confie que le film est une sorte « d’autobiographie fantasmée narcissique ». précisant que tous ses défauts sont présentés dans « Mentons bleus ! »

Pour Noël Herpe, quand on adapte le théâtre cela ne sert à rien de faire oublier la dimension théâtrale. Plutôt que de se laisser tenter par la carte du réalisme, il a choisi « d’enfermer le théâtre dans le théâtre ». La deuxième pièce, « Au téléphone » a d’ailleurs été portée à l’écran par David W. Griffith en 1909 sous le titre The Lonely Villa / La Villa solitaire sous une forme plus classiquement « cinématographique » : un montage alterné permet de voir d’un côté les femmes menacées par les bandits et de l’autre le mari appelant, d’un lieu différent, les policiers au secours.

« J’aime bien jouer sur le hors champ, la voix off », explique le réalisateur qui introduit chaque histoire par un monologue sur un écran noir. La puissance de l’imaginaire est à l’oeuvre dans les trois récits de Fantasmes et fantômes : les personnages imaginent des choses qui ne sont pas présentes. En valorisant le hors champ, le metteur en scène entend stimuler l’imagination du spectateur, il l’invite à « s’inventer sa propre place ». Plutôt que de montrer, il joue sur les masques, les caches. « Dans le hors-champ où se maintient l’action (et que j’ai renforcé autant que possible), explique-t-il, des figures filmiques se profilent : le suspense de Feuillade, la logorrhée de Guitry… J’aime cette idée d’une réinvention du cinéma à partir des conventions théâtrales. »