ATLANTIQUE

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Embrassant chronique sociale et semi-fantastique pour évoquer la crise migratoire à travers la présence fantomatique de ceux qui se tentent à l'exil sur leurs proches qui restent, Atlantique se transforme en réflexion sur les nouvelles luttes de classe en Afrique. Diop marchant dans les traces d'une Claire Denis par un même goût pour une atmosphère méditative. Mais pas moins dense, tant Atlantique foisonne de pistes, d'un portrait de jeunesse aux résidus du colonialisme. 

À l'image des scènes qui ouvrent le film sur un colossale tour en construction, qui n'est en fait qu'une création par effets spéciaux, Atlantique manie remarquablement l'art du trompe-l'oeil, que ce soit en passant d'une histoire intime au cinéma de genre ou en faisant investir à cette histoires d'âmes possédées un récit clandestin, sur les libertés que l'Afrique se doit encore de conquérir.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver FÉLICITÉ (un autre portrait de femme (et de nuit) africaine) ou encore DIAMOND ISLAND (un autre portrait de jeunesse lointaine, cette fois-ci au Cambodge).

Atlantique est définitivement une histoire de traversée. Entre deux continents et deux manières de faire du cinéma, quand Mati Diop y suture l'Europe et l'Afrique, alliant l'économie de l'un et les racines de l'autre. Une idée somme toutes logique quand les notions d'allers-retours et de trajectoire ne cessent de traverser ce premier long métrage. Il faut d'ailleurs remonter à 2009 pour trouver ses prémices, quand Diop se lança dans la réalisation avec Atlantiques, cette fois-ci écrit au pluriel, un court métrage documentaire sur l'odyssée de jeunes Sénégalais candidats à l'exil vers l'Europe à bord de fragiles esquifs. 

Avec Atlantique, sans « s », Diop fait un parcours inverse à plusieurs titres, en allant vers la fiction, vers les femmes ou en rétrécissant le récit choral de son court-métrage autour d'Ada, héroïne aux airs de Pénélope, attendant patiemment le retour de Souleiman, son bien-aimé parti à l'aventure. Atlantique est aussi celle d'une réalisatrice, grandie de l'autre côté de l'océan, mais marquée par un imaginaire africain, notamment des histoires de nuits et de fantômes hantant les vivants. Diop et la chef-opératrice Claire Mathon les ont repris à leur compte, via une image numérique urbaine, directement inspirée de celles de Michael Mann pour Collateral ou Miami Vice. 

Ce travail tenant autant de la mise en scène que d'une vision de plasticienne renforce la singularité envoûtante d'Atlantique, film en prise avec un Dakar moderne et son bouillonnement visible jusque dans la volonté d'employer des acteurs non-professionnels et la rigueur d'un cinéma formaliste poussant un contexte réaliste vers le surnaturel, pour une œuvre à la fois très précise et rêveuse, ayant mené Diop jusque sur les rives du festival de Cannes 2019, pour une double conquête, en étant la première réalisatrice noire de l'histoire du festival à accéder à la compétition et en en repartant avec le grand prix de cette édition.

Thierry Frémaux avait annoncé une sélection « politique et romantique » à laquelle répond parfaitement ce premier long métrage de fiction par Mati Diop. Dans un Dakar qui joue les grandes en dressant ses buildings vers le ciel, la misère de ceux qui les édifient et restent ...

Nimbé d'une ensorcelante bande-son serpentant autour d'un récit réaliste-magique qui intrigue, fascine avant de surprendre, Atlantique envoûte le spectateur, devenant lui-même forme vaporeuse, brume, embruns, spectre hantant les chaudes et moites nuits africaines. Mati Diop ...

Ce n'est pas du tout le film naturaliste un peu languide auquel on pourrait s'attendre, non, Atlantique est au contraire un film expressionniste. D'ailleurs on pourrait réduire les dialogues à quelques cartons : - On veut être payé. - Les hommes sont partis en mer. - Rendez-nous ...