UNE VIE

en VOD

Près de soixante ans après Alexandre Astruc adaptant Une vie de Guy de Maupassant pour le cinéma, Stéphane Brizé relevait à nouveau le défi  d’une nouvelle adaptation de cette œuvre littéraire de premier plan. Nous sommes en 1819, en Normandie. A peine sortie du couvent où elle a fait ses études, Jeanne Le Perthuis des Vauds, jeune femme trop protégée et encore pleine des rêves de l’enfance, se marie avec Julien de Lamare. Mais très vite, ce mari se révèle pingre, brutal et volage. Les illusions de la jeune femme commencent alors à s’envoler peu à peu.

Adapter Une vie juste après La Loi du marché ce film social hyper-contemporain, ce pourrait être pour Stéphane Brizé l’occasion d’un grand écart artistique absolu. Or, il ne s’agit pas de la véritable chronologie : Une vie fut écrit avant La Loi du marché puis s’est financé pendant l’écriture et la fabrication de ce dernier. Et comme l’a a révélé le cinéaste lui-même, ce projet d’adaptation du chef d’œuvre de Maupassant était né vingt ans auparavant quand Florence Vignon, la coscénariste du film lui avait fait découvrir ce livre.

Cependant pour Stéphane Brizé, il existe une filiation certaine entre ces deux films forts différents en apparence. Et le cinéaste d’expliquer : "Jeanne et Thierry, le personnage que jouait Vincent Lindon, sont des êtres qui ont une haute idée de la vie. Thierry l’exprime en refusant une situation insupportable, Jeanne l’exprime dans sa confiance extrême en l’humanité." Les contextes spécifiques à chacune de ces deux histoires prennent ensuite le relais pour les différencier pleinement, sans même parler des temporalités éloignées. Restent deux figures héroïques d’un quotidien presque banal. Mais il est temps de retrouver la vie de Jeanne…

 
Dans le même genre vous pouvez trouver LE JOURNAL D'UNE FEMME DE CHAMBRE (Tout comme Stéphane Brizé, Benoît Jacquot avec ce film de 2015 a fait le pari d'adapter un chef-d'oeuvre de la littérature qui avait déjà fait par le passé l'objet d'une adaptation cinématographique remarquée (et même deux !)) ou encore MADAME BOVARY (Claude Chabrol, comme d'autres cinéastes avant lui, ont transposé au cinéma le portrait de cette femme imaginée par Flaubert prise aux pièges de ses rêves comme la Jeanne inventée par Maupassant).

Après Mademoiselle Chambon réalisé en 2009 d’après le roman homonyme d’Eric Holder, Une vie est la seconde adaptation littéraire entreprise par Stéphane Brizé pour le grand écran. "Dès cette première expérience, a raconté le cinéaste, j’ai compris que, pour être fidèle, il fallait trahir." Dans le cas présent, cette trahison consistait à se défaire de la littérature pour accéder au cinéma. D’où le recours à de purs procédés cinématographiques comme le décalage des voix, le flashback, le flashforward et même flashback dans le flashback. Mais la principale rupture stylistique avec le roman, c’est assurément celle du point de vue. Dans le film, tout est vu de la fenêtre de Jeanne et d’elle seule.

D’autres procédés stylistiques rendent singulière la démarche de Stéphane Brizé. C’est ainsi qu’il a choisi un format de filmage et de projection presque carré. Comme s’il s’agissait de montrer que Jeanne vit enfermée dans une boîte et qu’elle ne parvient pas à en sortir. De la même manière, le choix de tourner caméra à l’épaule en permanence permet de contrebalancer quelque peu cette notion d’enfermement générée par le cadre carré. Avec la vibration de la caméra portée, c’est la vie même qui prend possession de l’image. Comme l’explique le cinéaste, "même quand elle est au fond du gouffre, Jeanne est ainsi encore vivante."

Autre choix radical opéré par Stéphane Brizé, celui de  la musique. Tournant à nouveau le dos au pur réalisme et à une illustration musicale d’époque, le cinéaste a opté pour le piano forte, soit l’ancêtre du piano actuel. Il a fait appel à un claveciniste de renom, Olivier Baumont lequel lui a proposé un morceau d’un musicien français du XVIIIe siècle, Jacques Duphly. Proposition aussitôt acceptée par le cinéaste convaincu que c’est précisément cette musique baroque qui convient pour illustrer les états d’âme et le parcours de son héroïne. Autant de choix et de pas de côté qui confèrent à Une vie son statut singulier. 

Un père et sa fille, jeune femme, s'activent aux soins d'un jardin baigné de soleil. Leur complicité, leur bonheur, semblent profonds, en décalage avec le caractère anodin de ce qui les occupe. D'emblée, Stéphane Brizé confère une intensité flaubertienne à cette héroïne ...

Une vie se révèle comme une nouvelle expérience cinématographique. Le metteur en scène Stéphane Brizé se concentre sur son actrice Judith Chemla personnage nostalgique perdu dans sa passion. Grands moments de silence ou musique appuyée, mélange des sons d’une scène ...

Au soir d'une vie d'épreuves, qu'en reste-t-il? La caresse de la caméra distante et sensible de Stéphane Brizé au service d'un souvenir, de souvenirs, un flux de conscience et du visage et des gestes de Judith Chemla, présente en presque chaque plan. A la deuxième vision ...