NERUDA

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Avec Neruda, le cinéaste chilien Pablo Larrain né en 1976 signait en 2016 son sixième long métrage. Depuis son second film, Tony Manero, réalisé en 2007, il ne cesse de s’intéresser au Chili, sans rien occulter des heures sombres de son passé, comme en témoigne Santiago, post mortem en 2010 ou des réalités actuelles à l’instar de El Club cinq ans plus tard. Larrain explore en outre des figures mythiques chiliennes : Pinochet au moment de sa chute avec No en 2012 et, dans le cas présent, le grand poète national, Pablo Neruda.

Dans ce qu’il refuse d’appeler un biopic, Larrain a choisi de raconter un moment-clé de la vie publique de Pablo Neruda, quand en 1948, en pleine Guerre froide, y compris au Chili, il est membre du Sénat. Très critique à l’égard du gouvernement présidé par Videla, l’élu communiste se voit destitué de son mandat et pourchassé par la police. L’écrivain est alors contraint de quitter son pays avec son épouse la peintre Delia del Carril. Et Larrain de bien préciser : "On a plutôt fait un film nérudien qu’un film sur Neruda. Nous nous sommes inventés un monde tout comme Neruda s’était inventé le sien."

Aussi bien le redoutable inspecteur de police Oscar Peluchonneau qui poursuit sans relâche Neruda et qu’incarne à l’écran Gael Garcia Bernal est-il un personnage de fiction inventé par Larrain et son scénariste Guillermo Calderon. De secondaire il devient presque aussi important que Neruda, s’arrogeant en quelque sorte le rôle de narrateur. Mû par la haine et la vengeance, il ne cesse de mettre en lumière la supposée part d’ombre de celui qu’il pourchasse. Larrain cultive ainsi le « mentir-vrai » selon la formule de Louis Aragon grand ami et admirateur inconditionnel de Neruda.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver TRUMAN CAPOTE (Le film de Bennett Miller revient lui aussi sur une figure mythique de la littérature cette fois américaine.) ou encore LA MORT AUX TROUSSES (Dans un registre et un contexte radicalement différents, Hitchcock arpente à sa manière les tours et les détours d'un film où la chasse à l'homme est l'enjeu principal.).

Le film de Larrain est une fiction et doit être regardé comme telle, à la demande même de son auteur. Ce dernier sacrifie d’ailleurs aux codes du film de genre : la traque est un grand classique du film policier aussi bien que du western et avec la figure inventée de Péluchonneau le film s’inscrit parfaitement dans cette tradition et cet héritage. Ce qui constitue en outre un hommage indirect à Neruda qui était très friand et des films policiers et des films de vampires comme on le voit allusivement dans le film. Le couple Neruda-Péluchonneau est de ce point de vue un duo éminemment romanesque et cinématographique.

Si, dans le film, Neruda sème volontairement des indices à destination de son vrai-faux double policier, la réalité fut toute autre. Neruda, incapable de vivre sans l’entourage de ses amis et terrorisé à l’idée d’être emprisonné, multipliait dans son exil les imprudences et par conséquent les indices susceptibles de favoriser sa capture. Cette traque bien réelle est pour Larrain l’occasion d’évoquer, non sans malice, le fait que de son vivant Neruda avait au Chili beaucoup d’ennemis et d’égratigner ainsi la statue du poète national.

Le scénariste du film, Guillermo Calderon, par ailleurs dramaturge reconnu, déclarait au moment de la sortie du film au Chili qu’il avait voulu faire un Neruda "sale", avec la volonté délibérée de faire tomber l’idole de son piédestal. Les spécialistes de Neruda mettent cependant en garde contre cette image désacralisée du poète. L’étonnante composition qu’en fait ici l’acteur Luis Gnecco en donne une image effectivement assez vulgaire, bien loin de la poésie de Neruda. Et bien loin de sa réalité humaine également. Mais tel est bien le privilège de la fiction revendiquée par Pablo Larrain.

Projet d'une ambition folle, mêlant un propos politique d'une précision extrême (déroutant pour le néophyte) et une maestria en terme de réalisation qui laisse pantois, Neruda pourra abandonner sur le bord de la route plus d'un spectateur. Il faut en effet s'accrocher pour ...

Il faut entrer dans Neruda comme on le ferait en poésie : par immersion. Larrain, dont le précédent et éprouvant El Club nos avait habitué à une œuvre difficile d’accès, résiste toujours à la tentation du classicisme, en dépit d’un sujet en or : Neruda, pilier de ...

Une symphonie de plans d'une beauté fracassante, de vérités politiques, de délires poétiques, d'envolées lyriques pour transfigurer l'image mythique du grand Pablo Néruda..... peu importe que ce ne soit pas sa biographie : il en ressort l'essence de sa personnalité, ...