S’il n’était pas aussi naïf, Moonwalker pourrait ressembler à une forme de patchwork agencé à bouts de ficelle pour faire tenir ensemble clips et morceaux de Michael Jackson avec une cohérence assez bancale. Mais le projet du film est finalement bien au-delà que d’essayer de raconter une histoire qui tient vraiment la route. Il s’agit avant tout d’une forme d’œuvre-monde. Qui parlerait du monde du chanteur, à la fois extérieur et intérieur. Extérieur car, au début, le film retrace la vie de Michael Jackson commençant sur la période des Jacksons 5 pour aller jusque Dirty Diana, en passant par une version live de Man In The Mirror, et se terminer sur une parodie, avec des enfants, du clip de Bad. C’est d’ailleurs dans cet épisode que l’artiste en profite pour envoyer une petite pique à son rival de l’époque : Prince. Dans le clip rejoué, le mini Michael Jackson découvre que son singe porte un T-shirt à l’effigie de l’auteur de Purple Rain. Et le gamin de demander ironiquement à ses agents : « Quoi un T-shirt de Prince ? ». L’interprète de Kiss répondra plus tard dans le clip Partyman.
Puis le basculement s’opère au moment où le petit Michael laisse place au grand. Il est ainsi toujours entouré de ses agents, particulièrement pressurisant, dans un studio hollywoodien. Là, des personnages d’animations repèrent le Roi de la pop et le pourchasse. Lui se déguise aussi alors en toon qui ressemble à un lapin et fuit sur les chansons Speed Demon et Leave Me Alone. On est dans l’entre-deux monde de l’artiste : à la fois extérieur, montrant son quotidien et sa pression continuelle, mais aussi intérieur où la fuite en avant, même stylisée, et le fait de crier « laisser moi seul » dans le refrain de Leave Me Alone, agissent comme un cri du cœur du chanteur qui semble étouffer de la situation. Car il ne faudrait pas l’oublier, Michael Jackson est aussi scénariste de Moonwalker.
La troisième partie du film entre totalement dans la psyché de l’artiste qui se rêve, d’une certaine façon, en super-héros des enfants, ou du moins en figure qui suscite l’admiration mais aussi la complicité. Au début, il semble jouer un remake de la découverte de Lascaux où accompagné de trois enfants et d’un chien, parti pour une balade, il va découvrir, non pas une grotte, mais un trafic de drogues visant le monde et les plus petits. Du gangster classe et fantomatique du clip Smooth Criminal, en passant par la transformation en voiture ou en robot, Michael Jackson incarne le héros ultime capable de triompher de tous les dangers. Et surtout, le plus particulier finalement, est que cette histoire héroïque est complètement dépourvue d’intrigue amoureuse. Une façon plus ou moins inconsciente de montrer la naïveté et, presque, l’immaturité du chanteur. Une candeur pas si désintéressée puisqu’à la fin, la reprise de Come Together vient rappeler aux spectateurs que trois avant, il était devenu le propriétaire du catalogue des Beatles.