LES TROIS BRIGANDS

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Nous sommes à l’époque où on se déplaçait encore en carriole. Nous sommes à la campagne. Nous sommes dans la forêt. Pleine de nature, avec des hiboux partout, des piverts qui becquètent les arbres et des yeux jaunes qui clignotent dans l’obscurité. Dans cette forêt, vivent trois brigands. Le premier tient un tromblon ; le deuxième, un soufflet qui crache du poivre et le troisième, une grande hache rouge avec laquelle il démolit les roues des diligences.

Mais dans la diligence qui nous intéresse, il y a Tiffany, une petite fille en route pour l’orphelinat, accompagnée de sa poupée Pimpanella. A tout hasard, les brigands les kidnappent. La petite fille va alors mettre un peu de désordre dans le repaire des voleurs et essayer de les convaincre d’attaquer l’orphelinat…

Nous sommes dans l’univers visuel, et fort peu manichéen, de Tomi Ungerer, artiste alsacien connu dans le monde entier, et d’ailleurs grand globe-trotter, et donc auteur d’innombrables histoires pour enfants. Pour cette histoire, il s’est inspiré d’une de ses grandes frayeurs enfantines - une peur, d’ailleurs, partagée par bien des petits : celle du voleur qui s’introduit dans la maison… Mais laissons-le plutôt nous raconter tout ça lui-même, parce que le narrateur off, en français comme dans la version originale allemande, c’est lui.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver KIRIKOU ET LA SORCIÈRE ou encore U .

Grand dépoussiéreur des mièvreries trop souvent adressées aux enfants, Tomi Ungerer est un bonhomme sacrément intéressant et un grand familier de l’Environnement : petit, il sauvait les insectes des mares avec une paille et pour lui, les seules cathédrales qui vaillent sont les forêts.

Au départ, Les Trois Brigands est un album pour enfants de 32 pages, publié au début des années 60. Il fut adapté une première fois en court métrage par des Tchécoslovaques, (la Tchécoslovaquie, l’autre grand pays de l’animation), avant de devenir le long film que nous venons de voir, qui fut tourné aux Philippines, aux studios Toon City, à Manille. Depuis sa sortie, à Noël 2007, il a même été novelisé.

D’ailleurs, si vous avez aimé ces aquarelles animées, je ne peux que vous recommander un autre film pas du tout cucul : l’excellent U de Grégoire Solotareff, avec la voix et la musique de Sanseverino. U étant un des meilleurs dessins animés français de ces dernières années, et pourtant la concurrence est rude, entre les Kirikou de Michel Ocelot et Les Triplettes de Belleville, de Sylvain Chomet.
Sans parler des dessins animés allemands, parmi lesquels il convient donc de ranger ces Trois Brigands, le film étant produit par des sociétés qui se terminent par Gmbh (prononcer GMBH, abréviation qui signifie quelque comme Société Anonyme dans la langue de Boris Becker).

Cela dit, Tomi Ungerer, n’est pas allemand : en fait, il est à la croisée des nationalités puisqu’il est alsacien. En 1931, il est né français, avant de se faire nationaliser par les Allemands pendant la guerre et de redevenir français après. Gageons d’ailleurs qu’il n’aimerait pas beaucoup cette discussion à propos de sa nationalité officielle. Citoyen du monde, ça lui conviendrait mieux, lui qui, avant même de rater ses études, est parti en Laponie étudier le grand nord, avant de s’engager dans les spahis en Afrique (mais l’armée n’a pas voulu de lui bien longtemps).

Au début des années 60, sans un rond mais avec son carton à dessin, il migre aux USA où il fait un tabac, comme conteur pour enfants certes, mais surtout comme illustrateur. En particulier avec ses affiches contre la guerre du Vietnam. Mais les Américains n’apprécieront pas longtemps la façon dont il s’adresse aux enfants, et cette manie de leur expliquer que "non, le monde n’est pas merveilleux". Du coup, après un détour par le Canada, Ungerer a établi ses pénates et sa famille en Irlande et il y cultive ses moutons.

Tiens, à propos de dessinateur émigré, vous avez vu Crumb ?