A l’époque des « Héros n’ont pas froid aux oreilles » où, pour la première fois, il figure en haut de l’affiche, Auteuil passe encore pour un copain de la bande du Splendid. C’est difficile à imaginer aujourd’hui mais au cinéma on le considère à peine comme un comique de troisième zone, juste bon à jouer des pochades. Le film de Charles Nemès n’est pourtant que son 6ème long métrage mais l’année suivante avec le succès des « sous-doués », ça va encore se gâter et, pour nombre de beaux esprits, il ne sera bon qu’à incarner les personnage de glandeur sympathique mais geignard. Malgré son travail au théâtre qui lui avait valu le prix Gérard Philipe en 1979, bien qu’il ait joué sur scène avec Périer, Feuillère ou Pacôme, il paiera pendant quelques années sa proximité avec des gens comme Lauzier ou Zidi, jusqu’à « Jean de Florette » de Claude Berri en 1986 et ce fameux rôle d’Ugolin. Jugnot, lui, est en pleine euphorie. Après dix années à se construire un café-théâtre rue des Lombards, une troupe splendide, des spectacles burlesques, l’acteur est devenu célèbre avec le triomphe des « Bronzés » de Patrice Leconte, un an auparavant. Avec son physique et sa voix il a l’emploi type : un monsieur tout le monde moyennement moyen qu’il utilisera dans son propre cinéma, jusqu’à incarner avec Monsieur Batignole, une sorte d’idéal de la France d’en bas. Bien sûr on aura reconnu les jeunes, ô combien jeunes, membres du gang venu faire là leur amicale panouille : Lhermitte, Lamotte, Balasko, Chazel et Clavier… Et aussi cette jolie actrice dénommée Anne Jousset qui fut la compagne de Daniel Auteuil au début des années 80. Le temps de faire naître une autre future comédienne nommée Aurore Auteuil. « Les héros n’ont pas froid aux oreilles » est aussi le premier long métrage de Charles Nemès un des copains du Splendid qui à l’époque n’a que 28 ans. Il a coécrit le scénario avec Jugnot, un script cocasse à la manière du café-théâtre mais avec de vrais décors et de vraies voitures. Nemes a ensuite persévéré comme réalisateur de la troupe notamment avec "La fiancée qui venait du froid" en 1983 avec Thierry Lhermitte, puis s’est un peu perdu en route. Il fut le réalisateur de la série H pour canal Plus. Puis on l’a un peu retrouvé avec « La tour Montparnasse infernale » en 2001 avec Eric et Ramzy et « Le séminaire » en 2009 avec Bruno Solo et Yvan le Bolloch. Dommage pour un héros qui n’a pas froid aux yeux.