LES BOYS DE LA COMPAGNIE C

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Le film de guerre américain sur le conflit au Vietnam est devenu un sous-genre en soi, tant Hollywood a su s’emparer avec brio de cet épisode historique traumatique pour tout un pays. Mais en 1978, lorsque Sidney J. Furie se penche sur le sujet avec Les boys de la compagnie C, il fait figure de précurseur. Deux ans après Taxi Driver, qui ne s’attaque pas frontalement aux combats, et la même année que Voyage au bout de l’enfer, d’un genre très différent, le cinéaste canadien signe un film étonnant, qui apparaît rétrospectivement comme une sorte de matrice sur laquelle capitaliseront bien d’autres longs-métrages par la suite.

Impossible en effet de ne pas voir la filiation entre Les boys de la compagnie C et Platoon d’Olivier Stone (qui reprend le motif du sacrifice et le sujet de la toxicomanie des troupes) mais surtout le Full Metal Jacket de Stanley Kubrick, qui sortira en 1987. Les deux films racontent avec réalisme l’entraînement difficile d’une poignée de jeunes hommes au sein des Marines, avant leur envoi au combat. Et R. Lee Ermey, qui incarne le sergent Loyce chez Sidney J. Furie, sera ensuite choisi par Stanley Kubrick pour enfiler le chapeau de l’infâme sergent Hartman, passé à la postérité comme l’un des personnages les plus odieux de l’histoire du cinéma. Pour la petite histoire, le réalisateur de Full Metal Jacket a d’ailleurs longtemps hésité sur l’acteur, qu’il trouvait trop doux dans Les boys de la compagnie C…

De fait, Sidney J. Furie, s’il fait bel et bien preuve d’esprit critique à l’encontre de l’engagement des États-Unis au Vietnam, ne va jamais aussi loin dans la dénonciation politique que son comparse américain. Son camp d’entraînement des Marines est un endroit où les cris ne se taisent jamais mais qui possède, contrairement à celui dans le film de Kubrick, plus de vertus formatrices qu’aliénantes. Et le sergent Loyce a beau avoir des méthodes à l’ancienne, il apparaît aussi comme une figure de la méritocratie antiraciste américaine, son corps d’armée ne faisant aucune différence entre Noirs et Blancs.

La guerre, dans Les boys de la compagnie C, est avant tout une suite d’abstractions absurdes, laissant les soldats patauger dans les rizières et l’incertitude, soumis à des ordres contradictoires. L’obsession de leur hiérarchie pour le bodycount, le décompte des cadavres ennemis, est d’abord un enjeu assez comique, avant qu’il ne tourne à la tragédie. Dans ses moments les plus acérés, le film Sidney J. Furie pointe non seulement l’ingérence américaine (l’un des jeunes appelés souligne que la guerre du Vietnam est avant tout civile) mais aussi ce qui la sous-tend : un racisme d’autant plus décomplexé qu’il s’exprime à l’étranger. S’il contient des moments purement humoristiques, notamment la quasi-intégralité de son dernier acte, un match de football traité sur un mode bouffon, Les boys de la compagnie C est donc l’une des premières représentations réalistes et critiques d’une faillite politique et militaire américaine largement traitée par la suite au cinéma.

Ce qui frappe, pour ceux qui connaissent le génial et mythique "Full Metal Jacket" (1987) c'est l'évidente inspiration que ce film a été pour Stanley Kubrick. On peut presque dire que Kubrick a signé un remake, terme souvent péjoratif mais faut bien l'avouer ...