LE PRÊTEUR SUR GAGES en VOD
- De
- 1968
- 111 mn
- Drame
- Etats-Unis
- Tous publics
- VO - HD
PARCE QUE
Sol est un survivant de la Shoah. Si depuis il vit aux Etats-Unis, en tant que prêteur sur gages, son traumatisme est aussi vivace que le tatouage d’ancien déporté qu’il a sur le bras. C’est surtout un homme désabusé, cynique, froid. Il est fascinant de voir Rod Steiger placide devant tout ce qui arrive et, à priori, insensible aux malheurs des gens. Si Steiger a eu le l’Ours d’argent du meilleur acteur au festival de Berlin en 1964 ainsi qu’une nomination aux Oscar pour ce rôle, ce n’est pas tant pour un éventuel cabotinage mais parce qu’il dévore la pellicule d’un charisme étrange. Car Sol n’est ni beau, ni impressionnant, mais sa gueule, son regard et jusqu’à son souffle racontent quelque chose du désespoir humain.
Le Prêteur sur gages raconte à quel point la misanthropie est une façade. Sol rejette tout le monde : la nouvelle voisine, ses clients qu’il dédaigne, son employé Jésus Ortiz. Mais par flashes très courts, Sidney Lumet montre des images des camps, des trains, des horreurs vécues. En réalité, chaque situation du quotidien est pour Sol le risque d’une réminiscence de ce traumatisme. La mort le hante. Et elle le rattrape. Car c’est comme si tous les gens qu’il croisait étaient destinés à mourir, y compris son employé dans le dernier acte du film. Sol est un homme maudit, qu’on croirait issu d’une tragédie grecque.
Pour raconter une histoire aussi terrible, il fallait bien le talent de Sidney Lumet (Serpico, 12 hommes en colère). Si Le Prêteur sur gages n’est pas son film le plus connu, c’est un de ses meilleurs. Il y montre un New-York crasseux, crapuleux, filmé caméra à l’épaule et en noir et blanc. On pourrait sans mal tirer une ligne entre Le Prêteur sur gages et les derniers films des frères Safdie, dont l’immense Uncut Gems qui lui doit sûrement beaucoup. On pense aussi inévitablement à Taxi Driver de Martin Scorsese.
Reste que Le Prêteur sur gages n’est pas qu’une histoire d’homme passif. Il montre aussi un réveil, aussi douloureux soit-il. Car Sol ressent peu à peu à nouveau. La peur d’abord, puis le désespoir. Paradoxalement, c’est presque une bonne nouvelle pour cet homme jusque-là éteint, en marge de la société. Ça lui permet de renouer des liens sociaux, de sympathiser avec la voisine, d’avoir l’envie de transmettre. Le film se finit par Sol quittant le magasin et errant dans les rues de New-York. Certes, Sol est malheureux et perdu, mais au moins, il s’est remis en mouvement.