L'EMMERDEUR

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« L’emmerdeur » est le titre de deux films réalisés à 36 ans d’intervalles en 1973 et 2009. Le premier est signé Edouard Molinaro, le second Francis Veber. Il ne s’agit ni d’un original ni d’un remake mais d’une variation sur le même thème puisque Veber qui était scénariste du premier film choisit de le refaire un jour, cette fois dans la peau du cinéaste. C’est la version Molinaro que vous allez voir, sans doute la plus mythique car dotée d’un casting magistral quoique pas si évident pour l’époque : Jacques Brel dans le rôle du pauvre type suicidaire et Lino Ventura dans celui du tueur à gages. L’ironie suprême du sujet tient au fait que pour exécuter son contrat le tueur doive sauver la vie du dépressif. Une comédie de situation donc, qui sera un succès populaire énorme, fera de Jacques Brel une vedette à part entière et mettra Francis Veber en orbite. Et comme un bonheur n’arrive jamais seul les seconds rôles sont aussi gouleyants : Caroline Cellier, si troublante, et Jean-Pierre Darras, si français.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver MIDNIGHT RUN DE MARTIN BREST (1988) ou encore LE BON ET LES MÉCHANTS DE CLAUDE LELOUCH (1976) .

La datation au carbone 14 nous permet de situer la naissance de ce film à  la toute nouvelle amitié qui naît entre Jacques Brel et Lino Ventura. Le Parmesan et le Bruxellois deviennent copains sur le tournage de « L’aventure c’est l’aventure » de Claude Lelouch en 1972.  Et le film est tellement plaisant qu’ils ont envie de s’en faire un à deux, rien que pour eux. Le producteur Alexandre Mnouchkine, le papa d’Ariane Mnouchkine, en montant « L’emmerdeur » avec Edouard Molinaro, va leur en donner l’opportunité. Au départ il s’agit d’une pièce de théâtre de Francis Veber intitulée « Le contrat » et crée en 1969 au théâtre du Gymnase avec Jean Le Poulain et Raymond Gérôme dans une mise en scène de Pierre Mondy. Veber s’adapte lui-même et, pour la première fois le public français va faire connaissance avec un personnage qui reviendra souvent : François Pignon. Chez Veber le Pignon est une sorte de valet de comédie, une victime des circonstances, qu’on retrouvera dans différent films de l’auteur sous les traits de Pierre Richard, Jacques Villeret, Patrick Bruel, Daniel Auteuil, Gad Elmaleh et Patrick Timsitt. Brel est donc le François Pignon inaugural. Difficile de trouver plus emmerdeur, comme il est difficile d’avoir l’air aussi emmerdé que Ventura. Molinaro cinéaste de comédie mal considéré signe là son chef d’œuvre. Il rend une copie d’une belle facture, dont l’image est signée Raoul Coutard, opérateur de la nouvelle vague. Et filme l’affaire comme un polar, ce qui le rend d’autant plus drôle. Le cinéaste fait d’ailleurs un caméo en barman qui brandit un disque de Jacques Brel. La version Veber de 2009 proposera l’affrontement de Patrick Timsitt et Richard Berri. Moins connue est l’adaptation américaine pourtant signée par un dieu vivant : Billy Wilder. Le film sorti en 1981 est titré « Buddy buddy » littéralement copain copain et le duo infernal est là incarné par les frères ennemis Walter Matthau et Jack Lemmon. On sait la carrière que fera ensuite Veber avec des films comme La chèvre, Les compères ou encore Le dîner de con. Prince de la comédie à la française le cinéaste qui a reçu il y a quelques années le prix Henri Jeanson, a peut-être aussi appris les mécanismes du rire en lisant les œuvres de son grand oncle, un certain Tristan Bernard.

Francis Veber frappait fort encore en 1973, grâce à ce scénario écrit d'après sa pièce "le Contrat" jouée sur scène en 1970 par Raymond Gérôme et Jean Le Poulain. Voila l'exemple d'une bonne comédie française, sans vulgarité, parfaitement dosée, ...

Qui est donc ce type profondément méchant qui a fait tant de mal à Francis Veber? Il le redoute tant qu'il préfère en faire son souffre-douleur dans chacune de ses pièces, dans chacun de ses scénarii, dans chacun de ses films, plutôt que de l'affronter dans la vraie vie? ...

Créé par Francis Veber en 1971 pour la pièce Le Contrat, le personnage de François Pignon aura depuis traversé les époques et les modes mais c'est sous les traits de Jacques Brel, dans l'adaptation de cette pièce en question, qu'il trouvera sa place pour la première fois ...