THE OUTRUN en VOD
- De
- 2024
- 118 mn
- Drame
- Allemagne | Royaume-Uni
- Tous publics
- VM - HD
PARCE QUE
« Je ne peux pas être heureuse sobre. » Cette phrase, prononcée par Rona, l’héroïne de The Outrun, à peu près aux deux tiers du film, résume à elle seule l’intégralité des montagnes russes traversées par le personnage. Comment se sortir d’une addiction à l’alcool développée étudiante, au gré des soirées qui ont apporté leur lot d’immenses bonheurs (la rencontre avec un homme qu’on aimera follement) puis de marasmes (les disputes, la paranoïa, les blessures physiques), alors que l’horizon se rétrécit lorsqu’on arrête de boire ? Est-il possible d’avoir un avenir lorsque l’essentiel de ses forces est concentré sur le fait de survivre un jour de plus sans éthanol ? Le film de Nora Fingscheidt, adapté des mémoires de la journaliste britannique Amy Liptrot, pose de lancinantes questions avec une intelligence et une pudeur folle.
Car sur le papier, tout était là pour faire de The Outrun un film choc voyeuriste sur une descente aux enfers. Au contraire, la cinéaste et son actrice principale, l’Irlandaise surdouée Saoirse Ronan, également productrice, s’attachent à se défaire de tous les clichés, à ne jamais se complaire dans les rechutes avilissantes de ce personnage. En témoigne la scène de l’agression de Rona, point de départ de sa désintoxication, qui ne montre quasiment rien et mise tout sur le son, sans que cela ne vienne jamais entraver la violence manifeste de l’événement.
Réalisatrice allemande, Nora Fingscheidt n’aime rien tant que le naturalisme. Pour Benni, son premier film sur une enfant placée agressive, elle avait passé des mois auprès de travailleurs sociaux, dans un service d’urgence psychiatrique et dans des foyers. Pour The Outrun, elle a attendu, dans les paysages désolés des Orcades, l’arrivée des phoques ou des agneaux pour les filmer, à la manière d’un documentaire. Mais son terrain de jeu favori reste le visage de ses actrices. De la même façon qu’elle collait la jeune (et impressionnante) Helena Zengel dans son premier long-métrage, Nora Fingscheidt suit Saoirse Ronan à la trace, sa caméra épousant le moindre de ses haussements de sourcils et de ses sourires tristes. Si la comédienne nous a déjà beaucoup impressionnés dans Lady bird, Marie Stuart ou Les filles du docteur March, elle est ici proprement enivrante.
The Outrun est d’ailleurs un film hautement sensoriel. Car la rédemption de Rona passera par le retour à la terre, la sienne, celle des Orcades, ces petites îles au nord de l’Écosse battues par les vents, où l’on compte autant de moutons que d’habitants. C’est sûrement dans la connexion de son héroïne à ces paysages uniques que Nora Fingscheidt s’illustre le mieux, dans cette capacité à faire résonner les tempêtes intérieures et extérieures, jusqu’à déboucher sur une oeuvre qui se détache du constat violent de l’addiction pour aller vers un film enveloppant. Le bruit des vagues, celui de la b(r)ise, des herbes qui dansent, tout vient bercer Rona autant que le spectateur, avec une beauté si simple qu’on se demande d’où lui vient sa puissance.