RUN

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Très peu de films africains sortent en France et encore plus rares sont ceux qui ont les honneurs du Festival de Cannes. En 2014, Timbuktu, du Mauritanien Abderrahmane Sissako, revenait sur les heures sombres du Mali confronté à la terreur djihadiste et faisait sensation sur la Croisette. Cette même année, Run, venu de Côte d’Ivoire, présenté dans la section Un certain regard, était le premier film ivoirien à être sélectionné à Cannes depuis… 29 ans !

Derrière la caméra, le cinéaste franco-ivoirien Philippe Lacôte, né en 1971 à Abidjan. Réalisateur du documentaire Chroniques d’une guerre en Côte d’Ivoire, il revient sur les 11 ans de crises politico-militaires qui ont ravagé son pays, de 2000 à 2011. Le réalisateur retrace, dans ce film initiatique, à la fois violent et poétique, la trajectoire d'un adolescent, appelé à devenir féticheur de son village – une sorte de guérisseur traditionnel –, mais qui rejoindra finalement les « Jeunes patriotes », partisans violents de l'ancien président Laurent Gbagbo.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver TIMBUKTU (Comme Run, Timbuktu mélange petite et grande histoire, et révèle un pan méconnu de la réalité africaine.) ou encore BLOOD DIAMOND (Pour la description d'un état africain en pleine guerre civile).

Philippe Lacôte, 43 ans, est devenu cinéaste grâce à… Bruce Lee ! Dans son enfance, lors d’une projection d’un film du Petit Dragon au Majestic, un cinéma des environs d’Abidjan, un homme se rue sur l’écran et le transperce avec son couteau pour poignarder le méchant du film. Bien qu’enfant, Philippe Lacôte est frappé par la force de vérité du cinéma et la mythologie qu’il peut engendrer.

Pour Run, Philippe Lacôte décide tout d’abord de réaliser un documentaire. Sa rencontre avec un "Jeune patriote", partisan de l'ancien président Laurent Gbagbo, lui donne l’idée de signer sa première fiction. Mais filmer un conflit dont les plaies ne sont pas encore cicatrisées n’est pas de tout repos. Le tournage est difficile car le sujet est toujours brûlant en Côte d’Ivoire et Lacôte sera régulièrement attaqué par les journaux, qui, selon leur sensibilité, l’accusent d’être pour un camp ou un autre. Néanmoins, si le cinéaste s’inspire de personnalités qui ont vraiment existé comme Charles Blé Goudé, chef de la milice pro-Gbagbo, il se défend d’avoir fait un film ouvertement politique, et interroge surtout son spectateur sur la violence qui a ravagé son pays, les racines du mal.

Si Run est une longue chasse à l’homme, c’est aussi un voyage poétique au cœur de la Côte d’Ivoire. Lacôte questionne la frontière entre mystique et réel, visible et invisible. Sa caméra sillonne la savane, la forêt, des paysages sahéliens pour arriver à l’océan. Mais il tente également de donner à voir comment les Ivoiriens regardent le monde, avec une série de visions oniriques.

Pour ses acteurs, Philippe Lacôte a embauché le débutant Abdoul Karim Konaté, né en 1980, et Isaach de Bankolé, le plus célèbre acteur ivoirien, qui n'était pas revenu au pays depuis 17 ans, vu dans les films de Claire Denis, Jim Jarmusch ou même le James Bond Casino Royale. Il a également monté des ateliers de formation d’acteurs pour les seconds rôles, formation n’existant plus dans le pays depuis le conflit…