LE VOYAGE AU GROENLAND

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Comme son titre l’indique, c’est bien au Groenland que nous emmène ce sixième long métrage de Sébastien Betbeder (39 ans), troisième volet d’une trilogie entamée en 2014 avec Inupiluk, prix Jean Vigo du court métrage, et Le Film que nous tournerons au Groenland, l’un et l’autre déjà interprétés par Thomas Blanchard et Thomas Scimeca.

Dans ce Voyage au Groenland, "une comédie sur l'amitié et la transformation d'un peuple", dixit son auteur, nous retrouvons ces deux amis, comédiens le plus souvent au chômage, venus à Kullorsuaq – l’un des villages les plus reculés de l’arctique, au nord-ouest du Groenland – afin de rendre visite au père de l’un d’eux, Nathan, alias François Chattot, établi là-bas depuis des années.

C’est le jour où son producteur, Frédéric Dubreuil, lui présenta son frère, l’explorateur Nicolas Dubreuil (qui vit la moitié de l’année à Kullorsuaq) que Sébastien Betbeder imagina cette trilogie. Sorti en novembre 2016, Le Voyage au Groenland reçut un excellent accueil critique, même François Forestier, le sévère chroniqueur du Nouvel observateur, écrivit : "C’est souvent drôle, intelligent et très agréable à suivre". Dans Sud-Ouest, Sophie Avon évoqua "des personnages attachants, dessinés d'une plume légère et juste", alors que dans 20 Minutes, Caroline Vié déclara : "On sort ravis d’avoir participé à ce périple chaleureux." Chaleureux, certes, mais n’oubliez pas, tout de même, votre doudoune, car là où l’on va, il fait moins trente !

 
Dans le même genre vous pouvez trouver LE VOYAGE D’INUK (2010) (Inuk vit dans un HLM du sud du Groenland. Tout change quand les services sociaux l’envoient dans le Grand Nord, là où son père mourut sous ses yeux.) ou encore NANOUK (1922) (C’est sur la baie d’Hudson que Robert Flaherty partit à la découverte des Inuits pour le compte de la société Pathé et des fourrures Révillon Frères.).

Comme le racontera lui-même Sébastien Betbeder dans un entretien accordé à Télérama, le voyage de Paris à Kullorsuaq « est déjà un poème ». Il faut cinq jours, quatre avions et un hélicoptère (qui ne passe pas tous les jours) pour rallier ce village, le plus difficile d’accès de tout l’arctique et dont le nom inuit évoque le pouce ; allusion à une curieuse protubérance géologique en forme de pouce qui le signale de loin. Une fois sur place, la vie est rude à Kullorsuaq. Impossible de vivre autrement que les autochtones, partageant avec eux le peu de nourriture disponible – le plus souvent du phoque – et supportant, comme eux, la rigueur d’un froid littéralement polaire. A ce propos, pour être certains que le matériel technique emporté sur place résiste à ces températures extrêmes, des tests furent réalisés dans les entrepôts de la société Picard, dument citée et remerciée au générique de fin !

A l'occasion de cet étonnant tournage, un dispositif inédit fut mis en place. Pendant six semaines, en effet, un projet « transmedia » relaya sur internet le journal de bord du réalisateur, des documentaires sur la région et ses habitants, ainsi qu'une websérie mettant en scène les préparatifs, autant physiques que psychologiques des deux Thomas. Le Thomas, fils de Nathan, est incarné par Thomas Blanchard, aperçu dès 1999 dans La Vie ne me fait pas peur de Noémie Lvovsky puis dans une quinzaine de longs métrages, dont Le Pornographe de Bertrand Bonello et La Bande du drugstore de François Armanet. Condamné à mort pour meurtre dans Les Ames grises d’Yves Angelo, on le retrouvera, fils de Nathalie Baye et très perturbé par la grossesse de sa sœur, dans Préjudice d’Antoine Cuypers. Au théâtre, il fut notamment mis en scène par Jacques Lassalle et Muriel Mayette.

L’autre Thomas, Thomas Scimeca, diplômé du Conservatoire National Supérieur d'Art Dramatique de Paris, travaille, lui aussi, autant au théâtre qu’au cinéma. Sur scène, il fut, entre autres, le partenaire de Jeanne Balibar dans Le Cadavre vivant de Tolstoï et travaille régulièrement avec le metteur en scène Jean-Christophe Meurisse, fondateur de la compagnie d’improvisation : les Chiens de Navarre. Avec sa compagnie, et donc avec Thomas Scimeca, il réalisera plusieurs courts métrages puis, en 2016, Apnée, une comédie très anticonformiste découverte dans le cadre de la semaine internationale de la critique à Cannes et dans laquelle Thomas Scimeca jouait, déjà, le rôle d’un Thomas !

Alors le Groenland, c’est ce gros truc en glace là-haut et qui appartient aujourd’hui au Danemark, et là-haut, sur la côte ouest, il y a le village de Kullorsuaq, l’un des derniers villages de chasseurs du Groenland (on y chasse le narval, le phoque et l’ours). Et donc ...

Le dernier film de Sébastien Betbeder est l’aboutissement (mais j’ai envie de croire que le film est une étape, et que l’on retrouvera les personnages un jour) d’une démarche de cinéma passionnante, démontrant que cet art n’est en rien figé, toujours mobile, vivant, ...

Le précédent film de Sébastien Betbeder (2 automnes 3 hivers) révélait un cinéaste prometteur, qui à l'évidence savait mélanger humour, délicatesse et fantaisie. Toutes les promesses de ce film se concrétisent ici de la plus belles des manières. Le sujet est pourtant ...