LE BEL ANTONIO en VOD
- De
- 1961
- 97 mn
Antonio, un séduisant jeune homme, revient de Rome pour vivre dans la propriété familiale en Sicile. Son père le convainc d’épouser Barbara, une belle et riche héritière, mais le mariage doit être annulé car Antonio ne l’a pas consommé.
- Drame
- France | Italie
- Tous publics
- VO - HD
PARCE QUE
Pier Paolo Pasolini a toujours pris soin de critiquer la société italienne pour en dénoncer l’hypocrisie omniprésente. Le Bel Antonio, dont il est l’un des scénaristes, ne fait pas exception. Alors qu’il quitte Rome pour revenir dans sa Sicile natale, Antonio est presque un dieu. D’une beauté sans équivalent — il fallait bien Marcello Mastroianni pour jouer ce rôle — cet homme à femmes peut séduire n’importe qui. Toutes se battent pour finir dans son lit, voire pour obtenir un semblant d’attention de sa part, et les hommes le jalousent. Antonio est pourtant loin du symbole de virilisme de l’époque : sa figure élancée, son mascara et ses longs cils le différencient des autres.
Il n’est d’ailleurs pas comme eux. S’il ne se cache pas d’avoir été un coureur de jupons, le personnage n’en fait pas toute sa personnalité contrairement aux hommes de son entourage. Poète incompris, qui découvre dans son reflet le visage d’un grand romantique, il est en réalité impuissant dès qu’il est amoureux. Une réalité impensable pour son père, ses collègues et ses amis. Mauro Bolognini et Pasolini dépeignent à merveille la fragilité de la société italienne de la fin des années 1950 : qu’ils soient fidèles ou non, mariés ou pas, les hommes doivent coucher avec des femmes. C’est ainsi que l’ordre social se maintient, cimenté par leur capacité à accomplir l’acte sexuel.
Derrière cette absurdité se cache la réalité d’une société avide d’isoler les hommes impuissants, car non virils. Le père d’Antonio est le parfait représentant d’une ère qui doit changer : selon lui l’homme n’est homme que lorsqu’il couche, et cette quête perpétuelle de la virilité l’a finalement empêché de réussir dans sa vie (professionnelle comme personnelle, puisque sa pauvre femme doit tolérer son infidélité et ses réflexions machistes d’un autre temps). L’hypocrisie de l’Église est elle aussi dénoncée, puisque cette dernière glorifie le rapport sexuel au point d’annuler la validité d’un mariage si celui-ci n’a jamais été pratiqué… quitte à sacrifier l’amour des deux conjoints.
Claudia Cardinale est la parfaite interprète de Barbara, épouse d’Antonio dont l’innocence et la crédulité témoignent d’une société profondément patriarcale : entourée d’hommes qui la persuadent que le rapport sexuel est obligatoire dans un couple, elle ne dispose d’aucun libre arbitre et est contrainte de quitter celui qu’elle aime. Même dans les miroirs et les nombreux surcadrages témoignant de sa solitude, Antonio est un paria. Sa propre existence lui semble injuste : sa vie est toute tracée et il finira, quoiqu’il advienne, comme tous les hommes qui l’entourent. Il avait quitté Rome et l’hypocrisie de la capitale, il a retrouvé la vie sicilienne, pays des commères et d’habitants tout aussi hostiles. Antonio a heureusement pu profiter de moments de grâce sensuelle, lors d’une magnifique scène sur une balançoire, instant suspendu d’une vie d’amour sans jugement, seul avec l’ange qu’il s’est persuadé de ne pas mériter.