L'ENFER DES ARMES

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Lors de son visionnage par la censure hongkongaise, L’enfer des armes de Tsui Hark a immédiatement été interdit de diffusion en salles. Inspirée d’un fait réel, cette première version mettait en scène un trio de jeunes faisant exploser un cinéma. Parmi d’autres changements, ce pan de l’histoire a été complètement modifié : c’est finalement d’un accident de voiture au cours duquel ils écrasent un passant que commence l’intrigue. Forcément, le long-métrage est aujourd’hui moins politique que ce que le cinéaste imaginait. Mais derrière la barrière de la censure, L’enfer des armes reste éminemment engagé, laissant entrevoir la vision d’un auteur qui fera de la critique de la société le cœur de sa carrière.

Le long-métrage s’ouvre sur des rats en cage. L’un d’eux est saisi par une main inconnue, représentation des puissants de la société hongkongaise. Cette main plante une aiguille dans la tête de l’animal qui s’effondre après avoir succombé à la folie. Tsui Hark nous avertit : le trio d’anti-héros subira le même sort. Comment pourrait-il en être autrement dans cette prison à ciel ouvert ? Le cinéaste filme avec précision les ruelles étroites, les barreaux aux fenêtres et les barbelés qui jonchent la ville, enfermant ses personnages et les privant de tout libre-arbitre. À la radio, on parle de corruption, de réchauffement climatique et de droit à l’IVG — que le troisième âge conteste sans honte. Hong-Kong est fragile, crasseuse et violente. Sa perspective d’évolution est infime, puisque de vieux hommes tirent les ficelles et empêchent les jeunes, notamment les filles, de s’émanciper en tant qu’individu. Tsui Hark répond à ces injustices par la violence, une violence qui défie toute morale et toute construction narrative. Le sang coule constamment de manière injustifiée. Certaines scènes illustrent ce voyage en enfer dont on ne revient pas : le regard empli de haine et d’excitation du bourreau lors d’une séquence de torture témoigne de la folie qui s’empare des habitants de la ville.

L’enfer des armes est l’une des pierres fondatrices d’un vaste mouvement de critique de la société hongkongaise, qui a continué son chemin jusque dans les années 2020 (avec les Limbo et City of Darkness de Soi Cheang notamment). Même les animaux ne sont pas épargnés dans le longmétrage de Tsui Hark, au même titre que sa protagoniste qui a sombré dans la déraison à force de lutter contre cette société masculiniste et outrancière. Celle-ci est forcée de retourner les hommes les uns contre les autres, jusque dans une dernière scène évocatrice et magistrale dans le cimetière de la ville. Les tombes s’étendent à perte de vue et semblent dire qu’il n’y a plus de places pour les morts. Mais quel autre choix que de tuer dans cette société qui fait de chacun de ses membres un prédateur potentiel ? Une série de clichés, ceux des manifestations qui ont secoué Hong-Kong en 1976, défile alors au rythme des mitraillettes. Le portrait d’une jeunesse sacrifiée prise au piège par une spirale de violence dont elle ne pourra jamais s’évader.

Version non censurée : L'Enfer des Armes conclut remarquablement la trilogie du chaos après les intéressants Butterfly Murders et Histoires de Cannibales, où Tsui Hark nous fait suivre le destin de trois jeunes naïfs devenant terroristes en étant entraînés dans une spirale ...

Disparu. L’Enfer des armes de Tsui Hark est une œuvre mythique à elle toute seule. Troisième et dernier film de Tsui Hark de sa période dite « en colère », l’original est interdit par le comité de censure de Hong-Kong. Une censure politique qui oblige Hark à revoir ...

Bouah, ce décrochage de mâchoire en règle, ça fait du bien de se faire secouer comme ça sans sommation. L'enfer des armes, c'est un film punk pur et dur, qui ne s'embarrasse d'aucune bonne morale et n'existe que pour véhiculer, avec violence, un propos qui se fait l'écho ...