FRÈRE ET SOEUR

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Un frère et une sœur à l’orée de la cinquantaine… Alice hait Louis depuis plus de vingt ans. Ils ne se sont pas vus depuis. Le décès de leurs parents va provoquer leur rencontre… Arnaud Desplechin continue de placer la famille au cœur de son œuvre obsédante, entêtante, passionnante pour ceux, encore nombreux, qui apprécient son cinéma introspectif. 

L'histoire emprunte à la structure de Rois et Reine (2004) en déroulant deux fils narratifs en parallèle et convoque des personnages déjà croisés dans Un conte de Noël (2008). Il s’agît de son propre aveu de “la même famille” : "j'avais laissé à l'époque une sœur qui s'appelait Elisabeth (Anne Consigny dans le film) et qui détestait son frère (Mathieu Amalric). Je n'avais pas réussi à régler la question." 

Près de quinze ans plus tard, il y parvient à travers Frère et soeur, une œuvre obsédée par l'idée de la haine. Soucieux surtout de s’en débarrasser. “Elle est toujours est une perte de temps” estime Desplechin qui situe une nouvelle fois son intrigue dans sa ville de Roubaix, rendue si joliment cinématographique quand concrètement elle ne l’est pas. Une question de regard "Ça me plaît de me souvenir que je viens de là”. 

 
Dans le même genre vous pouvez trouver TROIS SOUVENIRS DE MA JEUNESSE (2015) (Où Desplechin déconstruisait aussi son passé pour rendre plus supportable son présent) ou encore UN CONTE DE NOËL (2008) (Dans cette fresque familiale, Desplechin explorait déjà les relations frères-soeur dans un contexte rendu fragile par un deuil passé.).

« Hâtez-vous lentement ; et, sans perdre courage, / Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage. » Si Boileau avait été notre contemporain, c’est Arnaud Desplechin sans aucun doute qui aurait pu lui inspirer ces vers. Beaucoup de cinéastes-auteurs développent au long de leur carrière des motifs auxquels ils font subir des variations plus ou moins visibles. Mais Arnaud Desplechin, le Sisyphe du cinéma hexagonal, ne se pose plus la question de savoir s’il est en train de se plagier ou de se redire. Une exception, Roubaix, une lumière, son précédent long. Avec Frère et sœur, exercice d’autofiction, il revient à ses douleurs passées, fruit d’une vie de famille marquée par les deuils et altérée par les non-dits. 

Arnaud Desplechin confie dans le dossier de presse du film de quelle manière Marion Cotillard a “inventé le film” avec lui. Cela a commencé au début de la lecture du scénario - conduite individuellement avec chaque acteur - alors que la comédienne lui demandait “si Alice détestait ou non son frère”. Et le cinéaste de lui répondre, surpris, qu’il n’en savait rien… “C’était à elle d’y répondre, ou à nous deux ensemble…” Au cours de la lecture, tous deux constataient que le mot « haine » revenait souvent. “Trop souvent” même selon Desplechin pris à défaut. “Ce n’était pas ce que je voulais dire. Évidemment que la haine est un autre visage, maladroit, de l’amour. Nous avons conservé le mot à certains endroits, notamment quand Alice déclare à Louis : « Je crois que je te hais ». Mais la vérité d’Alice ne saurait être dans la haine”. 

A l’arrivée, le mot clé est devenu la peur : “Louis et Alice sont terrifiés par les sentiments qui les habitent, par ce qui arrive à leurs parents, par la brutalité de la vie. Cette peur, je la trouvais plus intéressante, parce que tellement plus humaine que le motif de la haine”. Ainsi, malgré ses contours noirs et la gravité du propos, Frère et sœur est-il un film qui va vers la vie, aussi imparfaite qu’elle reste, affranchi du passé et ancré dans le présent. “Pour moi, la fonction du spectacle, c’est que la vie l’emporte sur la mort, la jeunesse sur la vieillesse, qu’on déchiffre les motifs, qu’on arrive à réparer le tissu” déclare Arnaud Desplechin. Montrer l’enchantement du monde, c’est le rôle du cinéma".

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