FLUX GOURMET

en VOD

On vous prévient, il va être question de pets, de gaz, en somme, de prouts. Mais pas seulement, car Flux Gourmet est un film qui parle aussi bien de musique, de nourriture que d’expérimentations. Dans le film, Stones, un journaliste, suit la résidence de trois artistes qui mêlent musiques et nourritures. Lors de leurs prestations, ce trio, qui n'arrive pas à choisir de nom de scène, se prête à des expérimentations extrêmes. Mais que viennent faire les flatulences là-dedans ? C’est que Stones souffre de problèmes gastriques, et que sa condition physique sert de fil rouge tout au long du film. 

Quand par exemple, après un discours-débat d’après-repas, le journaliste sort lâcher une perlouse discrètement, ce n’est pas sans un message sous-jacent du réalisateur qui semble dire à ses artistes torturés qu’ils pourraient aller prendre l’air et « péter un coup » comme le dit l’expression consacrée, et que ça irait ensuite mieux. Flux Gourmet n’est pas là pour donner faim ou dégoûter, il se concentre plus sur les luttes intestines entre des égos qui s’entredévorent.

Au casting de cet étrange plongée aussi bien comique qu’acide, on retrouve Gwendoline Christie (Games of Thrones) en directrice de résidence, Asa Butterfield, révélé par la série Sex Education pour son rôle d’Otis Milburn et la française Ariane Labed (Alps, Assassin’s Creed, The Lobster). Le rôle principal est tenu par une habituée des films de Peter Strickland, réalisateur de ce Flux Gourmet, et qui l’avait déjà engagé pour The Duke of Burgundy, Berberian Sound Studio et In Fabric. En effet, le rôle de Elle di Elle est tenu par Fatma Mohamed, ici avec de faux airs de Christina Hendricks. 

Dans le même genre, vous pourriez aimer Les Crimes du futur de David Cronenberg, qui lie aussi les corps, les sons et les expérimentations artistiques extrêmes. 

 
Dans le même genre vous pouvez trouver LES CRIMES DU FUTUR (Quand le corps transformé ou mis à rude épreuve devient une performance artistique, avec une importance centrale de la musique : Cronenberg reste le maitre.) ou encore LA GRANDE BOUFFE (LE grand film sur les problèmes gastriques qui surviennent après avoir trop manger !).

Quand on interroge Peter Strickland sur ses influences, il cite volontiers son rapport à la nature similaire à Werner Herzog ou les cinéastes français Hélène Cattet et Bruno Forzani (L’étrange couleur des larmes de ton corps, Amer), deux grands formalistes comme lui. À la vision de ce Flux Gourmet, on sent surtout une parenté à toute la filmographie de David Cronenberg, où les entrailles sont un terrain de jeu. Les corps y sont triturés, malades, auscultés comme avec cette séquence de coloscopie en public. Le sexe y est aussi très présent, via des orgies, qui rappellent que The Duke of Burgundy tournait déjà autour de plaisirs saphiques et sadomasochistes. 

Comme un film somme, Flux Gourmet renvoie également à l’autre grand succès de son cinéaste : Berberian Sound Studio jouait des expérimentations sonores. Le héros se retrouvait à mixer la bande son d’un film d’horreur jusqu’à ce que l’horreur déborde dans la vraie vie. Le film poussait l’obsession du son encore plus loin que Blow Out de Brian De Palma. Flux Gourmet renoue avec une réflexion sur les bruits dissonants, la confusion ou la clarté d’une résonance et sa possible agressivité. 

Grâce à ces musiciens et performeurs qui ne font aucune concession, Strickland offre une parabole sur la création artistique. Il y a deux faces d’une même pièce. D’un côté, comme dans Berberian Sound Studio, l’aveuglement artistique mène aux extrémités, l’aveuglement et la colère de l’artiste qui se croit génie se frictionne à une autorité. De l’autre, le besoin de contrôle (ou du moins de regard) de la directrice de centre de Flux Goumet (avec une Gwendoline Christie qui prend vocalement des accents de Cate Blanchett) risque de saper l’intégrité artistique. L’art qui ronge la vie, jusqu'au bout, jusque dans le médical, jusque dans la mort ; on dirait bien que Peter Strickland est prêt à suivre ses préceptes tant ses œuvres sont sans concessions. 

Il est plus facile d’apprécier un film de Peter Strickland que d’en parler : comme c’est souvent le cas avec les réalisateurs qui font de la théorie. Il y a une raison pour laquelle je tremble à l’idée de devoir écrire quelque chose sur Guy Maddin, par exemple, pourtant ...