COMMENCEZ LA RÉVOLUTION SANS NOUS

en VOD

Le film que vous allez voir est une rareté. Aucune édition DVD, pas de passage télé, à peine mentionné dans les dictionnaires de cinéma. Et pourtant derrière ce titre malicieux Commencez la Révolution sans nous, se cache une farce assez décomplexée qui chahute un peu le sens de l’Histoire. Réalisé en 1970, c’est un film de jumeaux certes mais un film de jumeaux en costume, une vraie comédie burlesque servie par un casting ingénieux : Donald Sutherland qui sort du succès de M*a*s*h* et le trop méconnu Gene Wilder, acteur fétiche de Mel Brooks.

Nous sommes en 1789. Soit deux paires de jumeaux qui vont être échangés à la naissance. Chacun de leur coté, l’un parmi la bourgeoisie, l’autre dans les bas-fonds, ils vont faire l’expérience de la vie avant d’être mêlés de près à la Révolution Française. Ce qui donne lieu à une relecture irrévérencieuse de l’Histoire, à telle enseigne que Louis XVI y apparaît comme une vieille folle lâche et combinarde et la Reine comme une Marie-Antoinette-couche-toi-là. Tous ces personnages jouent à cache-cache avec la révolution en marche et ce film dans lequel les gens passent leur temps à courir n’est pas avare en morceaux de bravoure. Jusqu’à la réunion finale de tous les jumeaux, vous le verrez, inattendue.

Et puis le film s’offre un luxe. Celui d’inviter Orson Welles à sa table. L’acteur-réalisateur ouvre et clôt le film et il lui prête sa voix. Il lui donne ainsi sa caution et rappelle qu’il a le sens de l’humour, ce qu’il reproduira quelques années plus tard en faisant la voix off de La folle histoire du monde de Mel Brooks, encore lui. Encore une relecture de l’Histoire…

 
Dans le même genre vous pouvez trouver GUERRE ET AMOUR DE WOODY ALLEN (1975) (En effectuant un léger saut dans le temps (le film se passe durant les guerres napoléoniennes), Woody Allen cultive le même humour décalé et irrévérencieux.) ou encore LA RÉVOLUTION FRANÇAISE DE ROBERT ENRICO (1989) (Pour comprendre les vrais enjeux de la Révolution française, mieux vaut voir un film qui en donne une lecture vraiment historique).

Le film que vous venez de voir est peut-être la pièce maîtresse de Bud Yorkin. Né en 1926,  il est le réalisateur de quelques films pas forcément inoubliables Ainsi cette version des Aventures de la Panthère Rose, pas homologuée et intitulée L’infaillible Inspecteur Clouseau qui est un fake. La preuve, en lieu et place de Peter Sellers c’est Alan Arkin. Mais une grande partie du plaisir que l’on prend à Commencez la révolution sans nous tient aux acteurs. Et tout particulièrement à Gene Wilder, dont le génie comique a fortement marqué les années 70. Un peu oublié aujourd’hui, il figure au générique de quelques uns des plus gros succès de Mel Brooks comme Les Producteurs, Le shérif est en prison ou Frankenstein Junior. Et bien avant Johnny Depp chez Tim Burton, il fut Willy Wonka dans Charlie et la chocolaterie de Mel Stuart en 1971. Il forma aussi avec Richard Pryor, un duo interracial qui fit fureur aux Etats Unis dans les années 70/80. Il a lui-même réalisé quelques films en commençant par le burlesque avec Le frère le plus fûté de Sherlock Homes pour finir par embrasser une veine plus romantique avec La fille en rouge ou Nuit de noces chez les fantômes. A ses côtés l’explosif Donald Sutherland. A peine remis du succès de M*a*s*h*, il n’a pas encore endossé la défroque du Casanova de Fellini, ni même celle du flic de Klute. Il est alors à l’aube d’une carrière gourmande, 135 films à son actif, qui continue de s’épanouir dans les années 2000 avec, par exemple, avec sa participation à Hunger Games.

Le panorama ne serait pas complet si l’on n'évoquait le film de jumeaux qui est presque un genre en soi. Qu’on se rassure, on ne les citera pas tous ... Ainsi la fausse gémellité a t-elle été également abordée par Ivan Reitman en 1989 dans Jumeaux avec Arnold Schwarzenegger et Danny De Vito, c’est vrai, on ne pouvait pas faire plus différents. Mais l’un des premiers à s’être lancé dans l’aventure sans l’apport des effets spéciaux c’est Sacha Guitry avec La vie d’un honnête homme en 1952, avec Michel Simon dans un double rôle truculent, un frère pauvre et avide et un frère riche et pingre. Autre variation sur un même thème, en 1984, sous la direction d’Yves Robert, Pierre Richard alors au faîte de sa gloire comique s’invente un jumeau pour séduire deux jumelles dans Le Jumeau d’après un roman de Donald Westlake.

Plus proche de nous on se souviendra d’un autre double rôle spectaculaire celui tenu par Jeremy Irons qui jouait deux frères gynécologues dans Faux semblants de David Cronenberg en 1988. En 1991, Jean-Claude Van Damme se bat contre lui-même dans Double Impact. En 1999, Les frères Falls, petite curiosité étrange signée Michael Polish pousse l’expérience à l’extrême en mettant en scène de vrais jumeaux siamois. Même le jeune cinéma français s’est emparé du sujet avec Donne moi la main de Pascal Alex Vincent en 2008. Quant à la comédie burlesque à caractère historique, genre auquel on peut associer Commencez la révolution sans nous, elle trouvera l’un de ses plus beaux fers de lance quelques années plus tard, en 1975 avec Guerre et amour de Woody Allen.