Blanc sur blanc a été réalisé par Théo Court, dont le premier long-métrage Ocaso, confectionné en 2010, n’est jamais sorti en France. Théo Court est né à Ibiza, en 1980, il a donc 30 ans quand il passe à la réalisation et 39 ans quand il met en scène Blanc sur blanc. Ses parents étant chiliens, il a vécu au Chili quelques années, avant de partir étudier la photographie à Madrid, puis il est revenu en Amérique du sud pour des études de cinéma au Chili – il a ensuite été diplômé en réalisation à la International Film and Television School de San Antonio de los Baños à Cuba. Enseignant au Chili, aux États-Unis mais aussi en Russie, il est aujourd’hui, un peu à l’instar de son aîné Pablo Larrain (Tony Manero, Santiago 73, No) l’un des portraitistes formalistes les plus impressionnants du pays.
Avec Pablo Larrain, Théo Court partage d’ailleurs son acteur principal : Alfredo Castro. Originaire de Santiago, ce comédien a travaillé six fois pour Larrain, dans Fuga, Tony Manero, Santiago 73, No, El Club et Neruda. On l’a vu aussi chez les Argentins Santiago Mitre (
El Presidente) et Benjamín Naishtat (
Rojo, Je tremble ô matador), chez le Vénézuélien Lorenzo Vigas (
Les Amants de Caracas, Lion d’or à Venise) ou encore le Chilien Rodrigo Sepulveda (
Aurora). Dramaturge et grand acteur de théâtre, il a même créé sa propre troupe : Teatro La Memoria. En 1989 à 34 ans, il est venu étudier en France la mise en scène, à Strasbourg, Paris et Lyon. Il a ensuite parfait son apprentissage à Londres et en Italie. Blanc sur blanc est passé le Festival de Venise en septembre 2019, où il a été projeté en avant-première dans la section Horizons. Théo Court en est reparti avec le prix du Meilleur réalisateur dans cette prestigieuse sélection.
Blanc sur blanc a par ailleurs raflé le prix Fipresci de la critique.
Après une tournée des festivals où son accueil a été dithyrambique (Rotterdam, La Havane, Karlovy Vary ou encore Shanghai entre autres), le Chili a choisi le long-métrage pour le représenter aux Oscars du meilleur film étranger. Mais il n’a pas réussi à intégrer la shortlist finale, composée de
Julie (en 12 chapitres) pour la Norvège,
Drive my Car pour le Japon (le lauréat),
La Main de Dieu pour l’Italie,
Lunana pour le Bhutan et
Flee pour le Danemark.
Blanc sur blancétait par ailleurs soutenu par Pablo Larrain qui l’a qualifié de ‘film vraiment intéressant, étrange et hautement violent’.
Blanc sur blanc est une co-production entre l’Espagne (El Viaje Films), le Chili (Quijote Films), l’Allemagne (Kundschafter Filmproduktion) et la France (Pomme Hurlante Films). Il a été tourné dans la Terre de feu, au sud du Chili, mais aussi à Tenerife, l’une des îles de l’Archipel des Canaries. Pour le directeur de la photographie José Angel Alayon, c’est le premier long-métrage de fiction, après qu’il a occupé le poste sur un court-métrage (Tout le monde aime le bord de la mer) et un documentaire (La Ciudad oculta) seulement. Une expérience sommaire pourtant indétectable à l’écran, tant la photo du film est splendide.
Lors d’une conversation modérée par Pablo Larrain en personne – et retranscrite par le site de Variety –, Theo Court a expliqué que l’idée du film lui était venue des « photos du massacre des Selknam perpétré en 1886 par Julius Popper, le propriétaire terrien le plus puissant de la Terre de feu, qui fit 78 morts ». « Popper a été photographié après le massage, debout près du corps dénudé d’un Selknam, alors que trois de ses hommes pointaient leur arme vers l’horizon comme s’ils s’apprêtaient à tirer sur des assaillants. » Convaincu, comme beaucoup, que cette photo n’avait rien de spontanée mais avait été mise en scène et réinterprétée, Theo Court s’est vite trouvé obsédé par cette question de représentation.
Alfredo Castro a accepté le rôle parce qu’il était attiré par le « thème radical du génocide » a-t-il expliqué lors de cette même discussion. Le fait que son personnage « observe le néo-libéralisme et la dégradation de la planète » ne pouvait pas lui semblait plus contemporain. Quant à Pablo Larrain, grand admirateur du film donc, il a rajoué que le film lui avait fortement rappelé « les zoos humains qu’on retrouvait en Europe à peu près à la même période afin d’exposer les peuples indigènes. On ne parle pas assez des structures qui ont permis à de tels zoos d’exister. »