TETSUO en VOD
- De
- 1989
- 67 mn
Un homme s’insère une tige métallique dans la cuisse. La plaie s’infecte rapidement. Pris d’effroi, il s’enfuit en courant et se fait percuter par une voiture. Après s’être débarrassé du cadavre, le conducteur remarque un morceau de métal qui sort de sa joue. Dès lors, son corps devient un aimant qui attire à lui tous les détritus métalliques de la ville…
- Fantastique / Horreur
- Japon
- - 16 ans
- VO - HD
PARCE QUE
Tetsuo est un ovni. Film amateur de Shinya Tsukamoto, réalisé avec un budget ridicule, le long-métrage est pourtant devenu le plus culte de son réalisateur, et le deuxième étendard du cyberpunk japonais après Akira. Criblé de dettes, Tsukamoto a été abandonné par la totalité de son équipe — à l’exception de ses acteurs — avant la fin du tournage. Sa seule solution pour parvenir à réaliser une œuvre convenable : redoubler d’inventivité.
En Occident, David Cronenberg explorait déjà le body-horror avec Videodrome et La Mouche. De son côté, Lynch avait déjà entamé son immense carrière avec Eraserhead. Si la comparaison avec ces deux pionniers est inévitable, elle est aussi réductrice : Tetsuo est une œuvre très personnelle et inédite pour son époque. Les effets spéciaux pratiques et les séquences en stop-motion sont hallucinants pour un tel budget. Son 16mm granuleux rend la pellicule encore plus poisseuse et accentue la dépravation tokyoïte, se rapprochant — essentiellement dans son introduction — du documentaire morbide.
Là où Cronenberg prend une certaine distance avec ses sujets horrifiques, qu’il filme avec crainte et dégoût, Tsukamoto fait l’inverse. D’abord apeurée comme son protagoniste, la caméra portée filme sa fuite en restant à distance du monstre métallique. Mais peu à peu, le cinéaste embrasse pleinement la violence de son personnage et, grâce à ses positionnements de caméra inventifs (coucou Evil Dead), force le spectateur à plonger dans sa folie destructrice. Métal, sang, sexe et sueur se déversent sans filtre. La fascination prend le dessus sur la terreur.
C’est en filmant la brutalité et le plaisir charnel que le réalisateur exorcise ses démons et avertit son pays du danger de la modernité omniprésente. Son personnage, qui n’est jamais nommé, retrouve peu à peu son identité par la violence, s’ouvrant sur ses fantasmes pendant des actes sexuels oscillant entre horreur et comédie (la réplique « Tu voudrais goûter à mon tuyau d’égoût ? » est à inscrire au panthéon du septième art). Si Tsukamoto relègue le scénario au second plan, le propos du film n’en est pas moins évident : le cinéaste nippon livre une critique acerbe de son époque et de l’aliénation des salarymen de Tokyo, qui ont perdu toute notion de plaisir individuel. Aux antipodes du body-horror occidental, Tsukamoto a livré une œuvre pionnière et indispensable.