LA RÉGION SAUVAGE en VOD
- De
- 2016
- 94 mn
Alejandra vit avec son mari Angel et leurs deux enfants dans une petite ville du Mexique. Le couple, en pleine crise, fait la rencontre de Veronica, jeune fille sans attache, qui leur fait découvrir une cabane au milieu des bois. Là, vivent deux chercheurs et la mystérieuse créature qu'ils étudient et dont le pouvoir, source de plaisir et de destruction, est irrésistible.
- Érotique
- Danemark | France | Mexique
- - 16 ans
- VO - HD
PARCE QUE
Parce que dans la famille des cinéastes mexicains multi-primés apparus dans les années 1990 et 2000, Amat Escalante est certainement le plus méconnu. Plus cru et sombre que ses pairs passés à Hollywood (Alfonso Cuarón, Guillermo Del Toro, Alejandro González Iñárritu), le cinéma d’Escalante fait rarement l’unanimité. Difficile pour autant de nier le talent de metteur en scène d’un réalisateur primé dans cette catégorie à Cannes (pour Heli) et à Venise (pour La région sauvage). Si ses premiers films ont frayé avec l’horreur, ils le faisaient tous dans un cadre réaliste et social. Avec son quatrième long-métrage, La région sauvage, Amat Escalante quitte le fait divers sordide pour le fantastique, le mystère et l’érotisme, mais ne perd pas de vue ce qui fait l’essence de son œuvre : une critique virulente de la société mexicaine contemporaine.
Parce qu'en s’ouvrant sur une succession d’images énigmatiques - un astéroïde, un orgasme féminin dans la pénombre, un dialogue incompréhensible et une fuite en moto dans la brume d’un territoire isolé -, La région sauvage donne le ton. La sempiternelle rengaine freudienne d’Eros et Thanatos, désir et mort opposés, mais se confondant également du fait de la mixtion pulsionnelle, est régénérée ici par Amat Escalante. Un trio de personnages (Alejandra, son mari Angel, son frère Fabian, aussi amant d’Angel) se côtoie mais ne se parle plus. Le sexe et le mensonge a remplacé les mots. Alejandra accepte de coucher maladroitement avec Angel, comme une besogne maritale, alors que ce dernier ne désire que Fabian, lui-même cherchant une porte de sortie à la mécanique fatale du désir. Leur libération passera par la rencontre avec Veronica et son amant pas comme les autres, une créature extraterrestre tentaculaire qui distribue orgasmes cosmiques et blessures mortelles.
Parce qu'avec cette histoire, Amat Escalante explose l'hypocrisie d’une société mexicaine machiste, où l’homosexualité est taboue et le plaisir féminin réduit à néant. Peu à peu, les hommes disparaissent du récit. D’abord Angel, victime de l’alien à l’appétit sexuel dévorant, puis Fabian, accusé de la tentative de meurtre d’Angel. D’un coït médiocre entre Fabian et Alejandra, puis celui plus dévergondé entre Angel et Fabian, Escalante ne filme plus que des femmes copulant avec un être venu de l’espace - au design impressionnant, qui rappelle les créatures tentaculaires fantasmées dans la culture japonaise, comme dans Le Rêve de la femme du pêcheur, dessin érotique de Hokusai. La région sauvage est une quête vers un plaisir primitif, transcendant la vie alors toute tracée d’Alejandra, jusqu’au cadre du film social préétabli dans les premières minutes.
Parce que, mélange d’horreur, d’érotisme et d’étrangeté, La région sauvage est un cas rare dans l’histoire du cinéma, rejoignant Possession d'Andrzej Zulawski et La bête de Walerian Borowczyk dans la lignée des films où des êtres humains s’accouplent avec des créatures. Comme ses prédécesseurs, Escalante plonge ce matériel à scandale dans une esthétique propre à son époque : le film social noir et grinçant. C’est dans ce contraste entre réalisme cru et visions hallucinées que La région sauvage atteint les sommets.