SKET

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Le phénomène des gangs de filles préoccupe de plus en plus ceux qui scrutent avec attention la vie des quartiers dit sensibles ou difficiles. Ces bandes d’adolescentes n’ont rien à envier à celles des garçons : elles sont tout autant violentes et régies par la loi du nombre, de la domination et du silence. C’est dans ce décor sociologique inquiétant que le réalisateur britannique Nirpal Bhogal a bâti son intrigue.
Il suit les larmes et les pas vengeurs de Kayla, une jeune fille de 16 ans, dont la grande sœur vient d’être victime d’une guerre des gangs. Pour découvrir qui est la meurtrière, Kayla va à son tour devenir une de ces terreurs au féminin : elle va tout faire pour mériter sa place dans le groupe rival de celui auquel appartenait la victime... Sket est une plongée brutale et sans pitié dans cet univers méconnu des gangs au féminin. Dialogues minimalistes, interprétation au cordeau, décors vrais parce que réels : bienvenue dans la réalité de certaines de nos cités...

 
Dans le même genre vous pouvez trouver LA HAINE (La banlieue : vaste sujet d'étude pour nos politiques. Les cinéastes s'y risquent moins ou en tout cas rarement de façon fouillée, intelligente ! Mathieu Kassovitz s'attachait à un groupe de potes, confrontés à la dure loi des cités. Nirpal Boghal double la dose de violence et s'attache à des personnages féminins, mais son but est le même : montrer la volonté de survivre...) ou encore LA MARIEE ETAIT EN NOIR (Jeanne Moreau chez Truffaut ou Aimee Kelly chez Borghal : même combat ! Toutes deux veulent faire triompher leur désir de vengeance. L'une pour un mari assassiné, l'autre pour une soeur tuée...).

On peut appeler ça du cinéma coup de poing ou de la fiction-docu...Ce qu’on ne peut pas enlever à Sket, ce sont ses accents de sincérité. Et pour cause, Nirpal Bhogal le metteur en scène est lui-même originaire de cet est-londonien où se déroule l’action du film. Il connaît ces ados à la dérive qu’il dépeint si crûment, il a fréquenté ces garçons ou ces filles qui règlent leurs histoires de territoire à coups de barres de fer ou de poings.
C’est d’ailleurs une spécificité de la fiction britannique d’aborder ces sujets qui fâchent et font tache : Sket à la télé, Harry Brown avec Michael Caine au cinéma ou bien sur les brûlots de Ken Loach ont depuis longtemps brisé l’image du royaume paisible de sa gracieuse Majesté.
Le 7e art européen s’empare toutefois encore avec prudence de ces thèmes là : pas sûr en effet que le grand public, déjà traumatisé par les journaux télévisés, ait envie de se replonger sur grand écran dans l’anxiété. En France, Mathieu Kassovitz a été un des 1ers à aborder la banlieue, ses caïds et ses dérives : La haine fait aujourd’hui figure de précurseur prophétique. Ces gamins de la rue à la rue, violents et attachants, en mal de reconnaissance et de bling-bling sont devenus les tristes héros des pages faits-divers.
A l’inverse, l’Amérique, comme à son habitude, a depuis très longtemps puisé dans ce vivier du réel pour alimenter la machine hollywoodienne : Scorsese n’a-t-il pas fait des mafieux et des gangsters de tous âges des héros de la mythologie contemporaine ? Et Robert Wise déjà avec West side story ? Et Spike Lee avec Do the right thing ? Et Ben Affleck avec The town ?
L’ombre du bandit inspire le cinéma depuis l’époque où les banques se faisaient braquer en Ford T de l’autre côté de l’Atlantique ou rugir les Brigades du Tigre dans l’hexagone ! L’association de criminels en bande organisée est un des fondamentaux de notre société: qu’elle nous fascine autant qu’elle nous inquiète reste la meilleure justification pour en faire des films comme Sket...