PRÉSIDENT D'UN JOUR

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En 1979, notre Pierre Tchernia national réalise La gueule de l'autre, où Michel Serrault incarne le sosie sympa d'un politicien en vue véreux qu'il supplante progressivement. On ne sait pas si le scénariste de Président d'un jour, Gary Ross, a vu cette formidable comédie corrosive mais si tel est le cas, il a bien fait de s'en inspirer car le film d'Ivan Reitman est également une belle réussite, à la mécanique imparable. De son côté, Reitman a eu la bonne idée de choisir des acteurs non comiques dont l'interprétation réaliste, pour ne pas dire sérieuse, renforce le côté étrange des situations. Au final, le charme rétro et l'humanisme déluré de Président d'un jour évoquent irrésistiblement les films de Capra comme Monsieur Smith au Sénat.

Dans le double rôle du Président des Etats-Unis et de son sosie, un Américain moyen, Kevin Kline confirme qu'il est de la trempe des grands. Reitman lui avait pourtant d'abord préféré, quelles drôles d'idées, Warren Beatty et Kevin Costner ! Acteur dramatique de formation, révélé au cinéma par le très sérieux Le choix de Sophie d'Alan J. Pakula, Kline opère à la fin des années 80 un virage vers la comédie, soldé par l'énorme succès d'Un poisson nommé Wanda. Suivront le parodique Je t'aime à te tuer, le romantique French kiss, le progressiste In & Out ou encore le débridé Wild Wild West.
Même constat à propos de Sigourney Weaver, qui joue la Première Dame des Etats-Unis. Révélée par la saga Alien, cette actrice au physique atypique a touché avec un égal bonheur à la comédie, au drame, au fantastique et au thriller. Son association, pleine de malice et d'émotion, avec Kevin Kline est l'atout numéro 1 de Président d'un jour.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver LA GUEULE DE L'AUTRE ou encore THE ICE STORM .

Avec Président d'un jour, Ivan Reitman clôt une décennie de folie, qui a débuté par le succès colossal de S.O.S. Fantômes en 1984. Durant cette période, tous les films qu'il réalise approchent ou dépassent la barre symbolique des 100 millions de dollars de recettes. Jumeaux, S.O.S. fantômes II et Un flic à la maternelle, sans être restés dans l'histoire du cinéma, dénotent un flair et un savoir-faire indiscutables en même temps qu'un sens du contre-pied certain (qui d'autre que Reitman aurait en effet pensé à faire jouer la comédie à Arnold Schwarzenegger ? Dont, soit dit en passant, la participation amicale à Président d'un jour, où il investit le bureau ovale, a quelque chose de prémonitoire…).
Drôle de personnage que cet Ivan Reitman, né Ivanco Reitman à Komarno dans l'actuelle Slovaquie. Elevé au Canada, où ses parents ont émigré lorsqu'il avait quatre ans, le petit Ivan montre très tôt une inclination pour le divertissement en s'improvisant, dès l'école, auteur, producteur et metteur en scène de spectacles divers. Mais c'est à la télé qu'il se révèle en tant que producteur d'émissions mythiques comme le « National Lampoon Show », show satirique où se révèlent Bill Murray, son acteur fétiche, et le regretté John Belushi. Etape suivante : le cinéma. En 1971, il réalise Foxy Lady, suivi, deux ans plus tard, de Cannibal girls, obscures séries B comiques qui ne laissent augurer rien de bon. Le succès, en 1979, de Arrête de ramer, t'es sur le sabl, avec Bill Murray, lance vraiment sa carrière. Entre-temps, Reitman a démontré son éclectisme en produisant Frissons et Rage, les deux premiers films dérangeants d'un certain David Cronenberg.
De toutes ses comédies loufoques, Président d'un jour apparaît, avec le recul, comme la plus consistante et la plus subtile. Il faut dire qu'elle a bénéficié de l'apport du scénariste Gary Ross, qui sait de quoi il parle : il fut le délégué de Ted Kennedy à la convention démocrate de 1980 et rédacteur des discours de Michael Dukakis, candidat démocrate à la présidentielle de 1988 remportée par George Bush senior. Son script obtint d'ailleurs une nomination méritée aux cérémonies des Golden Globes et des Oscars en 1994.
Quelques anecdotes pour conclure. Le nom complet du président dans le film, William Harrison Mitchell, fait référence à William Henry Harrison, président élu en 1840 et mort dans l'exercice de ses fonctions. Le Vice-Président Nance (joué par Ben Kingsley) renvoie, lui, à John Nance Garner, vice-président de Franklin Roosevelt entre 1933 à 1941 à qui il ne succéda jamais. Ultime clin d'œil : dans la scène où Kevin Kline ment à propos d'une fille qu'il aurait rencontrée, il la décrit comme étant de type américano-polynésien. Or, dans la vraie vie, Kline était (il l'est toujours) marié à Phoebe Cates, superbe métisse de souche polynésienne dont le fait de gloire est d'avoir été l'héroïne de la saga Gremlins.