LA SEMAINE DE L'ASSASSIN en VOD
- De
- 1972
- 107 mn
- Fantastique / Horreur
- Espagne
- Tous publics
- VO - HD
PARCE QUE
Lorsqu’Eloy de la Iglesia dévoile son film à la censure espagnole, en pleine période franquiste, celui-ci est rejeté. Le cinéaste est contraint de le remanier pour pouvoir le sortir et éviter le drame financier. Mais La semaine de l’assassin n’a pas été censuré pour sa violence ou la frontalité de ses images de meurtre : c’est l’allusion à l’homosexualité du protagoniste qui en constitue le point névralgique. Malgré tout, le réalisateur va en faire une pièce central de son long-métrage, livrant une œuvre progressiste et prônant la liberté de tous. Derrière l’accumulation des corps et la construction relativement classique de son récit se trouve une critique frontale de la répression subie par tous ceux qui oseraient la différence.
Lorsque le protagoniste Marcos achète du parfum, on le juge instantanément. Même si la raison de son achat est effectivement en lien avec ses meurtres répétitifs, le simple fait d’acheter des flacons ne devrait pas être un mal en soi. Mais Marcos est un homme, n’est pas jugée conforme à l'idéal de virilité par la société conservatrice et cléricale de l’époque. Marcos doit en revanche se marier au plus vite, c’est son devoir de jeune homme. Et il ne doit pas surtout s’indigner de son remplacement imminent par une machine, qui remplace le travail de plusieurs ouvriers dans l’abattoir dont il est l’employé. L’environnement du protagoniste est crasseux, méprisant, théâtre de l’aliénation constante des humains. Son identité est façonnée par les attentes des autres, et jamais par ses propres désirs. Alors il décore sa chambre de photos de femmes dénudées, puisque c’est ce qu’on attend d’un homme viril et fort. Il embrasse avec passion sa petite amie sur la banquette arrière d’un taxi, mais il n’y a pas droit non plus.
À l’inverse, les animaux sont abattues de la plus violente des façons, et leurs corps traités avec un manque d’humanisme effarant. Au pays des conventions morales ridicules, le respect est optionnel. La viande est montrée très frontalement, de manière presque aussi gore que certains assassinats de Marcos. Le personnage a lui aussi le sentiment d’être un animal, forcé de rester dans le rang pour éviter le jugement de ses proches. Pour contrer ce déshumanisme, le réalisateur basque se rapproche des corps. D’abord avec sensualité, puis avec effroi lorsque Marcos, acculé, se retrouve à entasser les cadavres de ceux qui ne voient en lui qu’un rouage insignifiant d’une société intolérante.
Eloy de la Iglesia ne tombe heureusement pas dans le misérabilisme : il distille dans son film des touches d’humour, parfois grotesques, qui soulignent l’absurdité de la situation. La radio chantante lors d’un effroyable meurtre et le discours industrialiste du patron de l’abattoir en sont de parfaits exemples. Et ultime affront aux valeurs du progrès industriel, Marcos va se servir de cette machine pour commettre le pire des crimes, ultime doigt d’honneur au système qui participe à son aliénation. Finalement, l’unique tendresse viendra du voisin bourgeois de Marcos, interprété par Eusebio Poncela. Comme un Roméo et Juliette gore au pays du franquisme, leur amour ne peut être consommé. La tension sexuelle entre les deux hommes grandit de minute en minute, mais le cinéaste ne les fait jamais se toucher. Ce serait le geste de trop, bien plus effarant que les multiples meurtres esthétisés par le cinéaste. En opposant l’amour indicible et interdit à une violence banalisée, Eloy de la Iglesia, lui-même homosexuel, livre une œuvre défiant les normes rigides d’une Espagne étouffée par le conservatisme des années 1970, et appelle à une tolérance encore impensable à l’époque.