LA BELLE ET LA BELLE

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C’est un pitch de comédie fantastique : une femme de quarante-cinq ans, blonde et prénommée Margaux, retourne dans la ville de ses années étudiantes, Paris, et y rencontre Margaux, rousse de vingt printemps. Les deux femmes comprennent qu’elles sont une seule et même personne à deux âges de leur vie. Sophie Fillières, née en 1964, est sortie diplômée de la première promotion de la Fémis en 1990 en même temps que Solveig Anspach, Christine Carrière, Noémie Lvovsky et Emilie Deleuze. Belle promotion !

Après des courts métrages remarqués, dont Des filles et des chiens où elle dirige Sandrine Kiberlain et sa sœur Hélène Fillières, et qui obtiendra le prix Jean Vigo, elle signe en 1994 un premier long, Grande petite, mi-polar mi-chronique d’une jeunesse aux accents graves. Mais dès le film suivant, Aïe, elle change de ton et se tourne vers la comédie saugrenue. Depuis, elle tourne peu, mais tourne tout en dérision ! Gentille, Un chat un chat, Arrête ou je continue ont prouvé son talent pour les titres originaux, qui bégaient étrangement ou jouent des truismes rigolos. Et aussi pour le quotidien mêlé d’étrangeté, les situations qui dérapent et les dialogues qui déroutent.

Avec La Belle et la Belle, elle annonce la couleur dès le titre, qui fait référence au conte, et dès la rencontre qui se passe face à un miroir. La blonde vêtue de rouge et la rousse vêtue de bleu nettoient toutes deux une tache sur leur chemisier, disent les mêmes mots, font les mêmes gestes… Sophie Fillières traite son idée originale jusqu’au bout, sans se départir d’un réalisme fantasque mais totalement ancré, comme une comédie romantique qui glisserait doucement mais sûrement vers l’absurde. Non seulement c’est très réussi mais on en sort plus intelligent et plus joyeux !

 
Dans le même genre vous pouvez trouver CAMILLE REDOUBLE DE NOÉMIE LVOVSKY (2012). (Avec un côté fantastique, mais sans explication rationnelle, une femme se voit donner la chance de retourner en arrière et réparer certaines erreurs de sa vie.) ou encore LULU FEMME NUE DE SOLVEIG ANSPACH (2014) (C'est le sixième long métrage d’une ex étudiante de la Fémis, promotion 1990, de même que La Belle et la belle !).

Sandrine Kiberlain retrouve dans La Belle et la belle, la réalisatrice de ses débuts. C’est en la voyant dans la rue, et, paraît-il, de dos, que Sophie Fillières a choisi la jeune femme, en 1990, pour incarner l’une des deux protagonistes de son court métrage de fin d’études, Des filles et des chiens. La réalisatrice ignorait alors que la jeune femme de 22 ans rêvait d’être comédienne, avait fréquenté la classe libre du cours Florent et venait d’entrer au Conservatoire de Paris. Après plusieurs apparitions fugaces et de beaux seconds rôles dans Les gens normaux n’ont rien d’exceptionnel de Laurence Ferreira Barbosa et Les Patriotes d’Eric Rochant, Sandrine Kiberlain incarne, en 1995, Alice, ouvrière du Nord recherchant une place en ce monde dans En avoir (ou pas) de Laetitia Masson. Son interprétation sur le fil, entre fragile esquisse et instoppable bulldozer lui vaut le César du meilleur espoir.

Longue liane blonde au visage tavelé de taches de rousseurs, sa singularité, son sens du tempo, son étonnant naturel font d’elle une actrice omniprésente du cinéma français, qu’elle tourne avec Jacques Audiard (Un héros très discret) ou Valérie Lemercier (Quadrille), Benoît Jacquot (Le Septième Ciel) ou Pascal Bonitzer (Rien sur Robert). A l’aise dans le drame comme dans la comédie, elle développe une remarquable acuité dans cette deuxième catégorie, où inattendue et étrange, clown blanc et auguste, elle déclenche le rire mine de rien. C’est le cas dans Romaine par moins 30 d’Agnès Obadia, Les Femmes du 6e étage de Philippe Le Guay, ou Tip Top de Serge Bozon, trois univers comiques et ludiques très différents, trois personnages aux registres éloignés dont elle fait son miel. Puis, vint l’apothéose 9 mois ferme, où sous la caméra d’Albert Dupontel elle est une rigide avocate embarquée malgré elle dans un tourbillon d’événements absurdes et irrésistibles. Elle y gagnera le César de la meilleure actrice en 2013. 

Inlassable et insatiable elle passe de Simone de Beauvoir, dans Violette de Martin Provost, à une fan éperdue perdue dans ses mensonges dans Elle l’adore de Jeanne Herry, de fille regardant son père se perdre dans sa mémoire dans Floride de Philippe Le Guay à mère attentive d’un adolescent qui se cherche dans Quand on a dix-sept ans d’André Téchiné. Elle a enregistré deux disques dont elle a écrit toutes les chansons, réalisé en 2017 un court métrage très réussi, Bonne figure, où elle dirige Chiara Mastroianni en récipiendaire d’un César qui se retrouve seule dans sa robe de princesse après la liesse, elle est ici et ailleurs. Toujours étonnante…

Etonnament, ce sont des corps dans l'espace dont j'aimerais me souvenir en premier : - quand elle sont face à face dans le miroir, qu'elles font les mêmes gestes légèrement décalés - quand Agathe Bonitzer quitte son job au magasin et part en talon en se retournant ...

Une comédie légère sur le regret, et finalement une morale sur le "vis dans le présent", car contrairement à ce qu'on pourrait penser, ce n'est pas la Margaux "vieille" (Kiberlain) qui va influencer la "jeune", mais le contraire, suite à un accident de ski. Ainsi, la boucle ...

De Sophie Fillières, j’avais beaucoup aimé Gentille et Un chat un chat, un peu moins Arrête ou je continue son dernier opus. Mais la bande-annonce de ce nouveau film était très alléchante. Et puis j’aime bien les actrices Sandrine Kiberlain et Agathe Bonitzer (fille de ...