Il s’agit du premier long-métrage de Ludovic Bergery et malgré ce qu’on pourrait appeler un déficit d’expérience, il est parvenu à convaincre l’immense Emmanuelle Béart de jouer le rôle de Margaux, quasiment de tous les plans. La comédienne n’a même pas voulu lire le scénario avant de donner son accord. « Ce n’est pas le scénario qui l’intéressait, dit le réalisateur dans les notes de production, mais la manière dont je lui parlais de la trajectoire de ce personnage, de sa sensibilité, de son enfance, sa manière d’être entre la vie et la mort, d’approcher des situations plus violentes les unes que les autres, pour des raisons différentes. Et sa libération, sa forme de renaissance à la fin. » La principale intéressée plussoie : « Ce qui m’a séduite dans la manière dont Ludovic me parlait du film, c’est que j’aurais pu l’appeler « un moment d’absence ». D’absence à soi-même, et donc à l’autre, sans agressivité́, sans revendication particulière. »
Vincent Dedienne était très intimidé à l’idée de jouer face à Emmanuelle Béart, qu’il suit religieusement au théâtre. Mais si « elle brûle les planches » dit-il au micro de TV5 Monde, au cinéma, elle « irradie » : « Elle est unique. Elle a une puissance redoutable et à la fois, l’air de rien. Elle ne sait pas qu’elle fait cet effet-là. » Vincent Dedienne est formidable de tendresse dans L’Étreinte ; Ludovic Bergery l’a casté après l’avoir vu au théâtre dans « Le Jeu de l’amour et du hasard » de Marivaux. « Il y était très drôle, toujours en mouvement, mais déjà là je sentais que son humour cachait une douceur et une mélancolie. Dans la vie, Vincent dégage aussi quelque chose de rassurant qui correspond bien à Aurélien, qui est une sorte de chevalier pour Margaux. »
Ludovic Bergery a voulu tourner en pellicule, malgré des coûts supérieurs à ceux du numérique et des exigences logistiques plus compliquées. Mais dit-il, il n’a pas voulu manier le celluloïd « par coquetterie » mais parce qu’il pensait aux portraits féminins des années 70 ou 80 : « Gena Rowlands dans les films de Cassavetes, Alice n’est plus ici de Scorsese... Toutes proportions gardées, bien sûr, j’avais envie de donner cette patine là à mon film. La pellicule m’est plus familière et instinctive, aussi dans le rituel qu’elle induit dans la mise en scène : le rapport au temps et aux acteurs, la pression du nombre de prises. Faire très peu de prises me va très bien, d’autant plus avec Emmanuelle et ce film que je voulais concentré, sec. »