UN PRINCE

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Il est peu de réalisateurs qui peuvent se vanter de faire des films qui ne ressemblent à aucun autre. Pierre Creton est de ceux-là. L’homme n’est pas seulement cinéaste mais aussi ouvrier agricole, jardinier et plasticien. La passion des fleurs se juxtapose à celle du cadrage, l’amour du végétal mène à celui de la chair, des corps, qu’il filme avec tendresse. Présenté à la Quinzaine des Réalisateurs au Festival de Cannes 2023, Un Prince lui permet de creuser toujours plus ce sillon personnel. Et l’histoire d’un jeune apprenti horticulteur, Pierre-Joseph, qui s’éveille à l’art de prendre soin des plantes en même temps qu’aux plaisirs du sexe, n’est qu’un prétexte pour dresser le tableau d’un monde rural singulier, loin des clichés.

La campagne normande qui sert de décor au film (et dans laquelle Pierre Creton est installé depuis plus de trente ans) apparaît ainsi devant sa caméra comme un vaste terrain de jeu et d’apprentissage. Tout n’est que désir, calme et simple, vivide et assumé. Les premières expériences homosexuelles de Pierre-Joseph, éminemment autobiographiques, ne sont montrées ni comme des événements traumatiques, ni même comme des événements tout courts, simplement comme une suite logique de ce désir. Un dispositif de trois voix-off, celles de Mathieu Amalric, Gregory Gadebois et Françoise Lebrun, qu’on ne voit pourtant jamais à l’écran, permet la mise à distance de ces épisodes crus mais jamais voyeuristes.

Dans Un Prince, le sexe est indissociable de la nature. Des images d’entrelacs de plantes répondent à celles de mains qui s’enserrent. On s’occupe des semences et de ses amants avec la même douceur tranquille. Les normes esthétiques disparaissent, gommées par les implacables lois de la biologie et de la physique qui font vieillir les tissus, ployer les tiges.

En filigrane, Pierre Creton raconte comment s’édifie une vie heureuse. La nécessité de se sortir d’un cadre familial toxique pour se choisir une autre forme de communauté, de faire corps avec ce qui nous entoure, de se nourrir de simplicité. Un plan, explicite, magnifique, construit comme un tableau, montre un corps disparaître sur un lit d’herbes et résume tout le projet d’Un Prince. Voilà une ode à une autre façon d’habiter le monde, jusqu’à se fondre en lui.

Dès son incipit, Un Prince s’enracine dans le pays de Caux en Normandie. D’abord sur sa côte, nous serons vite plongés dans ses terres. Ces paysages et maisons seront le cadre des monologues intérieurs de trois personnages : Françoise Brown, Alberto et Pierre-Joseph. Pierre-Joseph, ...

C'est très particulier parce qu'il y a plus de voix-off que de dialogues. C'est très calme, ça s'écarte parfois du réel, on ne nous montre que certaines choses, presque comme des évocations qui font plus ou moins cohérence.En fait j'ai eu l'impression ...

Au sein du Centre de Formation et d’Apprentissage en horticulture qu’intègre Pierre-Joseph (Antoine Pirotte), un professeur – frère de la directrice Françoise Brown (Manon Schaap) – s’émerveille de découvrir une plante qui croit à l’ombre des autres. Dans cette ...