JE T'AIME, MOI NON PLUS

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Emballé par une émission de variétés que Serge Gainsbourg avait eu l'idée de mettre en scène dans un parking, le producteur Jacques-Eric Strauss l'a contacté en lui demandant s'il aurait envie de mettre en scène un long métrage. Séduit par ce nouveau défi, Gainsbourg lui a alors proposé cette histoire d'amour fou d'une jeune femme androgyne pour un homosexuel.

Strauss, producteur des films de Philippe Labro Sans mobile apparent et L'Héritier, qui s'attendait à un film musical, a été surpris par la crudité et le lyrisme du propos, mais il ne s'est pas dégonflé. Simplement, pour des raisons financières, il a souhaité que le titre du film reprenne celui de la chanson Je t'aime moi non plus qui avait assuré à Gainsbourg un succès international. L'auteur-compositeur avait enregistré une version de cette chanson avec Brigitte Bardot (version non commercialisée à l'époque) et une autre avec Jane Birkin qui avait triomphé aux hits parades. Pour le film, il en a enregistré une version purement instrumentale, le thème principal étant celui de la Ballade de Johnny-Jane, pour lequel il écrira ensuite des paroles afin de donner une chanson à Jane Birkin. D'emblée, Gainsbourg a écrit le film pour cele-ci, sa muse et compagne qu'il lui plaisait de filmer ici comme un garçon. Jane, qui venait de triompher dans la comédie de Claude Zidi La Moutarde me monte au nez, n'a pas hésité une seconde à changer son look. Se posait néanmoins la question de sa coiffure. Sacrifierait-elle sa longue chevelure ?

Elle n'était pas très emballée par cette idée et Gainsbourg non plus. Ce dernier a finalement tranché en faveur d'une perruque conçue spécialement pour l'occasion et installée sur ses cheveux tressés en une soixantaine de petites nattes. Cette solution avait en outre l'intérêt de donner à Jane un visage qu'aucun autre cinéaste ne pourrait reprendre après.

 
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C'est dans la région d'Uzès que Gainsbourg a trouvé les décors naturels qu'il souhaitait: espaces intemporels et non définis géographiquement. Les inscriptions en anglais dans la devanture du snack pourraient laisser croire que l'action se déroule en Amérique, mais ce serait une Amérique imaginaire un peu comme celle évoquée par Boris Vian dans ses romans exotiques signés Vernon Sullivan.

On ne s'étonnera donc pas que Je t'aime moi non plus soit dédié à Boris Vian. Il aurait pu l'être aussi au peintre Edward Hopper dont le style hyperréaliste a inspiré les cadrages : minutie des détails, isolement des personnages dans un décor écrasant. Gainsbourg qui a été peintre avant de faire carrière dans la musique avait pensé tous ses cadres avant le tournage. Pour la lumière, il a choisi le directeur de la photographie Willy Kurant, rencontré sur l'adaptation pour la télévision du musical Anna (1967) et retrouvé sur le plateau de Cannabis en 1970. Kurant sera encore le chef-opérateur de Gainsbourg sur ses deux films suivants Equateur (1983) et Charlotte forever (1986). Son cadreur Yann Le Masson s'est lui aussi beaucoup impliqué dans ce tournage, élaborant par exemple un système d'élastiques pour suspendre la caméra au plafond de manière à obtenir des vues verticales des corps allongés sur le lit. Pour le personnage de l'amant, Gainsbourg a choisi Joe Dallesandro, l'acteur fétiche d'Andy Warhol sur une suggestion d'Anne-Marie Rassam, l'épouse de Claude Berri, coproducteur du film. Quant à Hugues Quester, il a obtenu le rôle du deuxième homme en faisant le siège du domicile de Gainsbourg rue de Verneuil.

Dans la scène où il tente d'étouffer le personnage de Jane Birkin sous son sac en plastique, il a failli tuer la comédienne pour de bon car, emporté par son jeu, il n'a pas pris garde au signal convenu qu'elle devait lui donner quand elle n'arrivait plus à respirer.