À NOS ENFANTS en VOD
- De
- 2019
- 107 mn
- Drame
- Brésil | France | Portugal
- Tous publics
- VO - HD
PARCE QUE
On la connait pour ses rôles chez Tarantino (Pulp Fiction), Guy Maddin (The Saddest Music in the World) ou Bigas Luna (Macho), mais Maria de Medeiros, actrice portugaise autant à l’aise en français qu’en anglais ou en allemand, a longtemps nourri des rêves de réalisation. Après plusieurs courts-métrages entre les années 1980 et 1990, elle met en scène en 2000 son premier long-métrage, Capitaine d’Avril, sur la révolution des Œillets d'avril 1974 au Portugal. Un film engagé, qui aborde les cicatrices de son pays d’origine, marqué par des décennies de dictature. Pendant 20 ans, elle tourne quelques films courts et documentaires, et il faut attendre 2019 pour qu’elle entame l’écriture et la production de son second long-métrage de fiction, A nos enfants, marqué par la dictature militaire brésilienne. D’un projet à un autre, même en changeant de continent, Maria de Medeiros tisse le fil de son engagement face aux horreurs politiques du XXe et du XXIe siècle.
A nos enfants n’est pas que le récit de Maria de Medeiros, mais celui de toutes les femmes qui ont souffert sous les coups d’un régime totalitaire. Film de femmes au pluriel, A nos enfants est l’adaptation de la pièce de théâtre « Pour nos enfants » de Laura Castro, qui incarne Tania à l’écran. Maria de Medeiros a elle-même joué dans cette pièce au Brésil, dans les traits de Vera, la mère de Tania retenue prisonnière par la dictature dans les années 1970. Le rôle de Vera au théâtre était d’abord promis à la légendaire Marieta Severo, vedette de la série au long cours A Grande Familia, qui n’avait pas pu se libérer à l’époque. Maria de Medeiros a finalement pu céder sa place à Marieta Severo sur le film. Enfin, avant de tourner A nos enfants, la cinéaste avait réalisé Les Yeux de Bacuri, un documentaire sur Denise Crispim, survivante de la dictature qui a perdu son compagnon Eduardo Leite « Bacuri » après des mois de torture. Elle-même a subi en prison des sévices épouvantables, avant de s’exiler avec sa fille au Chili, puis en Europe. Son histoire terrifiante a nourri le passé de Vera dans le film. On retrouve justement Denise Crispim dans A nos enfants : elle est Tante Clarisse, à l’orphelinat.
Alors que Maria de Medeiros aurait pu se contenter de faire du théâtre filmé, elle s’est attelée à produire une adaptation en bonne et due forme, en explorant les failles de la pièce et approfondir sa réflexion. Du diner arrosé entre Vera et Tania, il ne reste finalement qu’une scène de retrouvailles en plein cœur du film, qui tourne au vinaigre. A nos enfants s’enrichit de flashbacks en cellules, de scènes oniriques et de l’introduction d’un personnage inventé par la réalisatrice : Sergio. Celui qui se présente au départ comme un journaliste enquêtant sur la disparition de sa mère se révèle être en fait le fruit de l’imagination de Vera. Le fils perdu qu’elle n’a jamais connu, le refoulé dont elle n’a jamais parlé à sa fille Tania. Des ajouts purement cinématographiques qui transcendent le récit du film.
Derrière le film politique, il y a un mélodrame intergénérationnel poignant dans A nos enfants. Le film aborde les tensions entre plusieurs générations, plus particulièrement les conflits qui minent la relation entre Vera, ancienne activiste révolutionnaire, et sa fille Tania, qui défie les conventions sociales en souhaitant fonder une famille avec sa compagne Vanessa, par PMA. Alors que Vera a vécu la perte d’un enfant en prison sous la dictature, elle ne comprend pas les choix de sa fille, autant son homosexualité que son désir d’avoir un enfant de manière assistée. Un paradoxe pour une communiste, qui gère en plus un foyer pour enfants séropositifs. C’est dans la complexité du personnage de Vera, contradictoire et mélancolique, que Maria de Medeiros parvient à filmer l’évolution des valeurs et des idéaux au fil du temps : un instantané du Brésil sur plus de 40 ans d’histoire.