SPANGLISH en VOD
- De
- 2005
- 132 mn
- Comédie
- Etats-Unis
- Tous publics
1 MIN AVANT
Spanglish est un néologisme pour décrire la langue bâtarde mixant l'anglais et l'espagnol, comme on pourrait dire par exemple « franglais ». Le titre du quatrième long métrage de James L. Brooks met ainsi l'accent sur la dimension culturelle, linguistique de son intrigue, alors que ce n'est pas la thématique principale du film. Cette intrigue peut se résumer par l'arrivée d'une nouvelle servante mexicaine, prénommée Flor, dans une riche famille américaine. Cette servante a la particularité de ne pas parler la langue de Shakespeare, tandis que, symétriquement, personne ne parle la langue de Cervantès parmi les Clarsky. Les échanges verbaux se feront donc maladroitement, avec quiproquos et incompréhensions afférentes. Pour corser le tout, Flor a une fille de 18 ans, Cristina, qui, elle, parle couramment anglais puisqu'elle a été éduquée aux Etats-Unis. Elle veut obtenir une bourse à la faculté, et pour cela doit rédiger une longue lettre de motivation ; c'est cette lettre qui, racontée comme un flash-back, tient ici lieu d'ossature narrative. Or, cette jeune fille, d'origine mexicaine et d'extraction populaire, se plaît bien au sein de l’opulente famille Clarsky, qui, de son côté, l'adopte comme si elle était leur propre fille. Ce qui n'est pas sans provoquer la crispation de sa modeste mère...
C'est donc sur un canevas de comédie sociale et familiale que se déploie Spanglish. Comme je le disais tout à l'heure, il a été vendu comme un film sur le choc des cultures, alors qu'il s'agit en fait d'autre chose, puisque de la culture mexicaine, on ne verra rien, ou presque. Non, il s'agit en vérité d'un film sur la lutte des classes. Bien vite, on se rend compte en effet que ce n'est pas l'hispanité de Cristina et de Flor qui pose problème, mais plutôt le fossé social entre les maîtres et les serviteurs. Le film de Brooks vise ainsi à égratigner les habitudes de la bourgeoisie américaine, pleine de commisération et de bonne conscience, prête à aider les plus démunis, mais à condition de leur imposer ses valeurs. Si deux éléments s'entrechoquent dans Spanglish, c'est bel et bien la fierté des valets contre la fausse bonté d'âme des maîtres.
Cela pourrait donner lieu à une violente satire, comme Chabrol a su en orchestrer de nombreuses, notamment dans La Cérémonie. Mais ce n'est pas le ton choisi ici. James L. Brooks, surtout connu pour son film avec Jack Nicholson « Pour le pire et pour le meilleur », oscille en effet entre la satire et la bienveillance. Ce n'est pas un cinéaste méchant, cruel, mais au contraire quelqu'un de tendre, ce que la critique lui a d'ailleurs reproché à la sortie du film. Ceux qui pensent que c'est tout à l'honneur d'un cinéaste de ne pas brusquer ses personnages, de ne pas les humilier gratuitement, de faire preuve de compassion, sans toutefois se leurrer sur leurs défauts, alors Spanglish est fait pour eux. Plutôt que de cruauté, il faudrait ici parler de lucidité. L'ironie est bien présente, mais elle n'est pas mordante, car Brooks préfère caresser, s'inscrivant dans la tradition du grand Vincente Minelli, dont les comédies familiales tardives, telles que « Il faut marier Papa », font penser à Spanglish. Après tout, Jean Renoir ne disait-il pas, dans La règle du jeu (titre qui, au passage, conviendrait parfaitement au film de Brooks) que « le pire, dans ce monde, c'est que chacun a ses raisons » ?
Dans le même genre vous pouvez trouver POUR LE PIRE ET POUR LE MEILLEUR ou encore LA CÉRÉMONIE .