L’affaire des possédées de Loudun en 1632 ne fut qu’un complot politique de Richelieu pour abattre un prêtre charismatique et trop tolérant notamment envers les protestants. L’Inquisition lâcha ses juges et ses bourreaux sur l’affreux libéral, quand aux nonnes victimes, paraît-il, de visions, on les exorcisa pendant des années.
Sur la base de cet épisode naquit un véritable courant cinématographique délicieusement qualifié par certains de « nunsploitation » : en gros les films de nonne. Le premier film inspiré par l’affaire de Loudun et qui devait influencer tous les autres, fut Mère Jeanne des anges en 1961, signé du Polonais Jerzy Kawalerowicz, œuvre inquiétante et austère qui dénonçait tout à la fois les dogmes religieux et communistes. Les italiens donnèrent ensuite beaucoup dans la nonne en folie de série B, le Vatican hurlant à chaque fois au blasphème. On se souvient aussi de La religieuse de Rivette en 1966, d’après Diderot. Enfin, l’apocalypse vint avec L’exorciste de Friedkin en 1973. Possession, blasphème, lubricité, voilà ce qui intéresse Ken Russell y compris dans ses autres films qu’ils soient dans l’univers musical (Music Lovers, Mahler, Tommy) ou non. Magicien noir du cinéma anglais - il signera d’ailleurs et bien plus tard un film intitulé Gothic - Russell s’est inspiré du livre très documenté de son compatriote Aldous Huxley Les diables de Loudun, étude d’histoire et de psychologie et de la pièce de John Whiting qui en a été tirée.
Après avoir tourné deux ans auparavant dans Love avec la grande Glenda Jackson le cinéaste lui proposa le rôle de sœur Jeanne. Cette fois Jackson refusa le rôle parce qu’elle ne voulait plus jouer les folles hystériques et sexuellement dépravées. Vanessa Redgrave incarna alors, au sens premier du terme, cette religieuse livrée au sabbat. Oliver Reed n’hésita pas : lui qui était aussi de l’aventure Love devait considérer que dans le rôle maudit de l’abbé Grandier il avait livré sa plus belle prestation d’acteur. Tourné durant l’été 1970 le film connu une sortie difficile. Il fut interdit en Italie et les deux acteurs principaux y furent interdits de séjour parce qu’ils y étaient passibles de trois ans d’emprisonnements. Partout ailleurs Les diables impressionna toute une génération et conforta Ken Russell dans son statut de cinéaste cruel et baroque. Depuis, les couvents en ont vu d’autres.