LA RÈGLE DU JEU en VOD
- De
- 1939
- 101 mn
- Drame
- France
- Tous publics
1 MIN AVANT
Nous sommes en 1939, entre les accords de Munich et la déclaration de guerre. Jean Renoir vient de tourner La Marseillaise et La Bête humaine. Il est selon ses termes "impressionné et troublé" par l’état d’esprit qui règne alors dans l’opinion. Sa réponse est forcément cinématographique et le cinéaste d’expliquer ainsi la naissance de La Règle du jeu : "J’ai voulu faire un film agréable mais qui soit en même temps une critique d’une société que je considérais comme résolument pourrie." Contexte politique et diplomatique oblige, ce film est donc à la fois une "fantaisie dramatique", c’est son sous-titre, inspirée par Beaumarchais, Marivaux et Musset tout autant qu’un film de guerre dont le cinéaste écrivit le scénario en écoutant de la musique baroque.
Ce qui pourrait n’être qu’une comédie virevoltante s’avère en fait comme une peinture particulièrement réaliste d’une époque où la bourgeoisie danse sur un volcan. L’aveuglement dont semble frappés les protagonistes laisse le champ libre au fascisme. La tension fut d’ailleurs à son comble durant le tournage du film lui-même, Hitler venant d’envahir la Tchécoslovaquie. C’est cet air du temps particulièrement nauséabond que Renoir a saisi. Et ce jusque dans l’antisémitisme ambiant. Le marquis, joué par Marcel Dalio et qui est d’origine juive, se fait ainsi traiter dans son dos de « métèque » par l’un de ses domestiques. On parle également des "histoires de nègres" et autres "parasites". Il ne s’agit pas de faire de Renoir un visionnaire mais un analyste avisé d’une situation alarmante. Le futur écrivain collaborationniste Brasillach qui sera fusillé à la Libération ne s ‘y est d’ailleurs pas trompé quand il écrit à la sortie du film : "Il est inquiétant d’oser montrer pour la première fois qu’un Juif est sympathique."…
Comme on le verra tout au long du film, au delà des rires, des quiproquos, des bals et des soirées déguisées, c’est la mort qui rôde. La scène de chasse est particulièrement révélatrice de cette ambiance mortifère où la violence côtoie l’indifférence. Les chasseurs ici rassemblés, qu’ils soient masculins ou féminins, tuent sans l’ombre d’une hésitation, avec froideur et distance. Dans une autre scène d’apparence plus joyeuse et festive, des personnages sont déguisés en… squelettes, croisant des fantômes. C’est clairement la danse de mort qui entraîne les vivants comme les défunts, on y entend d’ailleurs La Danse de mort de Camille Saint-Saens. On ne saurait donc mieux dire : tout est noir, tout est sombre dans cette comédie humaine dont le mot d’ordre semble être la dissimulation. "C’est assommant les gens sincères" dit même un protagoniste du film. Tandis qu’un autre ajoute, fataliste : "Dans notre partie, c’est comme dans tout il y a la crise." Alors, faites vos jeux, c’est la règle, mais vraiment rien ne va plus…
Dans le même genre vous pouvez trouver BON VOYAGE (Rappeneau, comme Renoir, joue avec brio la carte du divertissement grave ou de la comédie sombre, dans un contexte historique dramatique.) ou encore LA FILLE DU PUISATIER (Tourné lui aussi en 1939, le film de Marcel Pagnol est marqué par le contexte historique très particulier.).