GUMSHOE

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Stephen Frears a tout juste trente ans lorsque sort, en 1971, Gumshoe, son premier long métrage. Né en 1941 à Leicester, une triste ville ouvrière au nord de Londres, pas loin de Nottingham, il s’oriente, après des études de droit, vers le théâtre – il devient assistant metteur en scène – puis vers le cinéma, devenant, entre autres, l’assistant de Karel Reisz sur Morgan, fou à lier, le film qui valut à Vanessa Redgrave le prix d’interprétation féminine à Cannes en 1966. Karel Reisz étant, par ailleurs, l’auteur du fameux Samedi soir, dimanche matin, parangon du free cinéma britannique avec Albert Finney en ouvrier rebelle, c’est tout naturellement que le jeune assistant fait la connaissance du comédien – devenu star grâce au Tom Jones de Tony Richardson. C’est ainsi que, devenu producteur, Albert Finney, découvrira le scénario de Gumshoe, œuvre originale de Neville Smith, et en confiera la réalisation à Stephen Frears. 

Le rôle principal, celui de ce mythomane, déprimé par son existence médiocre, obsédé par Humphrey Bogart et, accessoirement, animateur du Broadway Club de Liverpool revient donc à Albert Finney et le rôle de sa belle-sœur, cette femme idéale rappelant parfois Lauren Bacall, à la comédienne Billie Whitelaw que Finney avait, lui-même, dirigée quatre ans plus tôt dans Charlie Bubbles, l’unique film de sa courte carrière de réalisateur.

Voici donc le premier long métrage de Stephen Frears. Il est intitulé Gumshoe, sobriquet attribué aux détectives privés anglo-saxons et qui fait allusion aux semelles de crêpe de leurs chaussures, propices aux discrètes filatures !

 
Dans le même genre vous pouvez trouver BUGSY MALONE (1976) (Pour leur premier long métrage respectif, Stepen Frears et Alan Parker parodient le cinéma qu’ils aiment, celui des gangsters et des détectives privés.) ou encore LE FAUCON MALTAIS (1940) (Le héros de Gumshoe est obsédé par Bogart et aurait aimé écrire le Faucon maltais, la première aventures de Sam Spade, grand rôle du comédien.).

« Je ne connaissais pas grand-chose quand j’ai fait Gumshoe », c’est ainsi que Stephen Frears évoque ses débuts au cinéma. En effet, le film que vous venez de voir fut son premier long métrage et restera longtemps le seul, puisque c’est à la BBC que le jeune homme va poursuivre sa carrière avant de revenir au grand écran, d’abord en 1979, avec Bloody Kids, le sulfureux portrait de deux délinquants de 11 ans puis, en 1984, avec The Hit, le polar mené par John Hurt et Terence Stamp qui lui assurera une réelle reconnaissance internationale et la possibilité de tourner, dans la foulée et dans un tout autre genre, le fameux My Beautiful Laundrette. En 1990, Stephen Frears obtiendra le César du meilleur film étranger pour Liaisons Dangereuses et, l’année suivante, sa première nomination à l’Oscar du meilleur réalisateur pour les Arnaqueurs.

Le scénario de Gumshoe est signé Neville Smith, un comédien-scénariste britannique travaillant pour la BBC depuis le début des années 1960. Il fait une brève apparition dans le film, en spécialiste des armes à feu que le héros vient consulter sur les docks de Liverpool. Après cette première collaboration, Stephen Frears le dirigera plusieurs fois à la télévision puis, de nouveau au cinéma – mais très brièvement –, en inspecteur de police dans Prick Up Your Ears qui retraçait la vie et la mort (violente) du dramaturge anglais Joe Orton né, en 1933 à Leicester, la ville natale de Stephen Frears.

Billie Whitelaw était la comédienne préférée de Samuel Beckett qui la qualifia, une fois pour toute, de « perfect actress ». Elle deviendra son interprète fétiche et, même, sa muse inspiratrice. Dans son autobiographie, la comédienne évoque les vingt-cinq années passées dans l’intimité du dramaturge et les souvenirs liés à la création de plusieurs de ses pièces dont le fameux Oh ! les beaux jours. Au cinéma, on l’avait déjà vue chez Joseph Losey, John Ford, John Boorman mais, aussi, chez John Gilling dans l’Impasse aux violences, face à Peter Cushing en chirurgien récupérateur de cadavres, dont le sien ! Après Gumshoe, elle refusera son aide au faux coupable de Frenzy d’Alfred Hitchcock puis sera la mère de l’ami de Hugh Grant dans Maurice de James Ivory et celle de Nastassja Kinski, face à Daniel Auteuil, dans The Lost Son, un film franco-britannique de Chris Menges, qui n’est autre que le directeur de la photographie de... Gumshoe.

Le tournant des années 70 : des monceaux de bobines expérimentales bâclées et restées dans l'obscurité... Et des relectures irrévérencieuses, souvent ratées, mais un peu moins oubliées. Ce film-ci n'est pas comme Le Privé d'Altman une simple actualisation, un reboot, ...

Pour son premier film, Stephen Frears rend un hommage appuyé aux grands classiques du film noir. Bourré de clins d'oeil et de références, un vrai régal pimenté de cet humour mordant et sarcastique qui est la marque distinctive de ce grand metteur en scène britannique. ...