Amnesty International a soutenu très tôt Et puis nous danserons, et leur communiqué était carrément inclus dans le dossier de presse. « Nous sommes heureux de soutenir le film de Levan Akin car il questionne le regard porté sur l’homosexualité, les normes de genre et éveille les consciences sur les ravages de l’homophobie dans des sociétés prisonnières de leurs traditions. Tout en découvrant l’univers singulier de la danse traditionnelle en Géorgie et une histoire d’amour interdit entre les deux jeunes danseurs Merab et Irakli, le spectateur est transporté vers un questionnement plus universel sur le droit d’être ce que l’on est où que l’on soit né ». Soutien crucial dans une région du monde où l’homosexualité peut être encore taboue : la preuve, des groupes d’extrême droite, qui voyaient dans le film, je cite, une « propagande de la sodomie », et des militants religieux ont voulu perturber la première du film à Tbilissi, capitale de la Géorgie, et l’Église orthodoxe l’a qualifié « d’affront aux valeurs traditionnelles du pays ».
Levan Akin est d’origine géorgienne mais comme ses parents avaient migré en Suède dans les années 60, c’est là, en Suède, qu’il est né. D’ailleurs Et puis nous danserons est un film suédois. De sa propre confession, c’est la première fois qu’il dirige des acteurs géorgiens dans une langue qu’il ne parle pas couramment. L’idée du film lui est venue le jour de la Gay Pride en 2013, à Tbilissi. Il y voit des jeunes gens être victimes d’une attaque organisée par l’Église orthodoxe. « La danse géorgienne incarne le monde ancien, conservateur et l’amour naissant entre deux danseurs représente une nouvelle génération qui a d’autres aspirations », dit-il. Il s’agit de son troisième long métrage, après Katinkas Kalas en 2011 et The Circle – Chapitre 1 : les élues, sorti en 2015.
Et puis nous danserons a été présenté à la Quinzaine des réalisateurs au Festival de Cannes en 2019 où il a reçu un très bel accueil. Concurrent sérieux à la Queer Palm, aux côtés de Douleur et gloire d’Almodovar ou Matthias et Maxime de Xavier Dolan, il a finalement perdu face au Portrait de la jeune fille en feu de Céline Sciamma. Pas grave, il a ensuite fait le tour du monde toujours en festival, à Chicago, Montréal, Odessa, Sarajevo et est sorti dans les salles américaines ce qui lui a permis d’être nommé aux Oscars, dans la catégorie Meilleur film étranger. Il concourait pour la Suède face à Parasite, le film phénomène de Bong Joon-ho et grand gagnant de la cérémonie, et Les Misérables de Ladj Ly. Ses chances étaient minimes mais il s’est bien battu.