LE PARRAIN

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Classique d’entre les classiques, Le Parrain est considéré comme l’un des plus grands films de l’histoire du cinéma. L’American Film Institute le classe à la deuxième place des meilleurs longs métrages de la production américaine de tous les temps, après Citizen Kane d’Orson Welles, tandis qu’un exemplaire du film de Francis Ford Coppola est également conservé à la Bibliothèque du Congrès des Etats-Unis, au milieu d’autres chefs-d’oeuvre, pour saluer son “importance culturelle, historique ou esthétique”.

Maintenant que je vous ai dit ça, vous vous demandez peut-être encore “mais de quoi parle donc Le Parrain ?” Pour ceux qui se seraient absenté de la terre ces dernières années, voici donc un bref résumé : Il était une fois en Amérique, une famille d’immigrés siciliens répondant au nom de Corleone qui regnaient en maîtres sur les jeux d’argent et la prostitution. Mais la guerre des gangs fait rage et après un attentat sur la personne du patriarche Don Vito Corleone, sa succession doit rapidement s’organiser. A la surprise générale, c’est son fils Michael, peu au fait des affaires de son père, qui va s’imposer comme le nouveau Parrain, mais avec des méthodes qui ne vont pas manquer de mettre le feu aux poudres… 

Sorti en mars 1972, Le Parrain fascine le public dans des proportions qui vont jusqu’à dépasser son créateur Francis Ford Coppola, âgé de 33 ans à l’époque. Il n’est alors que le réalisateur d’une poignée de films indépendants. Il n’est pas cher et c’est même sa première qualité aux yeux d’une industrie où un dollar est un dollar. De surcroît il s’est endetté en produisant THX 1138 d’un certain George Lucas et s’il accepte c’est d’abord pour se renflouer. Dans ce contexte, la réalisation allait être pour lui un calvaire, sommé qu’il fut par les pontes de la Paramount de tenir les délais. Et pourtant, tourné en seulement 77 jours pour 7 petits millions de dollars, le film en rapportait près de 270 et lui ouvrait en grand les portes d’Hollywood pour les années à venir...

 
Dans le même genre vous pouvez trouver BUGSY (En 1991, Barry Levinson faisait revivre Bugsy Siegel, contemporain de Capone, gangster mégalo à l'origine de la création de Las Vegas.) ou encore BUGSY MALONE (Tourné en 1976 par Alan Parker, cette comédie musicale interprétée par des enfants dont Jodie Foster, fait revivre la guerre des familles de la mafia à coups de pistolets chargés... à la crème.).

Voir ou revoir Le Parrain demeure une expérience dont on sort ou ressort bouleversé. Il s’agit d’une oeuvre paroxystique sur la puissance du mal et sur ses répercussions, où les scènes d’anthologie s’enchaînent sans faiblir en décrivant un monde proprement abominable où on ne voudrait pas vivre, mais qu’on observe dans un mélange d’abjection et de jouissance. Le pire de nous, de notre “humanité” est ainsi illustré dans Le Parrain, Francis Ford Coppola en était le premier conscient, qui des années plus tard décidait d’en finir avec le mythe par trop pesant de Michael Corleone : dans Le Parrain 3, Coppola orchestrait la mort de son antihéros maléfique dans d’atroces souffrances, vaincu par plus diabolique encore que lui.

Quelle carrière aurait eu le film si Otto Preminger avait accepté de le réaliser ? Frank Sinatra y aurait tenu un rôle central dans un univers qu’il avait côtoyé, mais après ? Et si Coppola s’était incliné devant la Paramount pour qu’Ernest Borgnine incarne Don Vito Corleone comme elle le souhaitait ? Ou si Robert Redford ou Ryan O’Neal avaient été imposés en lieu et place d’Al Pacino, le personnage de Michael Corleone aurait-il été aussi ténébreux et serions-nous là entrain de vanter l’un des chefs-d’oeuvre de l’histoire ? On peut en douter et reconnaître au passage à Francis Ford Coppola une force de caractère qui est la marque des très grands réalisateurs. Il a eu la vision de ce que devait être cet opéra sanglant, à savoir une histoire de famille qui de manière métaphorique illustre sous son jour le plus noir ce que fut la création de la nation américaine. 

La performance de Marlon Brando a fait beaucoup pour le prestige du film. Il n’est que présence, autorité et conviction et en impose en haussant à peine ton. Mais c’est dans l’expression de ses failles et ses faiblesses qu’il émeut et séduit le public. Dans le fond, c’est la défaite d’un homme ridicule que Coppola nous donne à voir, la chute d’un patriarche livré à sa solitude. Ce monde de truands dont il avait conçu les règles au début du siècle dernier, est entrain de lui échapper, comme lui échappent un après l’autre ses enfants qui n’ont pas le même respect des valeurs familiales “et qui parlent au lieu d’écouter”. En 1973, Brando marquait encore un peu plus les esprits en refusant l’Oscar que lui décernait l’Académie. Il avait bien fait ce qu’on attendait de lui à l’écran et qui rend le cinéma “bigger than life”, plus grand que la vie, mais il tenait de cette manière à signifier combien il désapprouvait “la manière dont les Indiens d’Amérique étaient traités par l’industrie cinématographique”. Pour Brando, une manière de dire “Ni Dieu, ni maître”. Même Vito Corleone ne fit jamais preuve d’une telle force de caractère !

Tout a déjà été dit sur ce film, un des plus grands jamais réalisé. Tout le monde a vanté, un jour son casting impeccable : un Brando ressuscité, un Pacino naissant, bien loin de ses tics d'aujourd'hui, Robert Duvall et James Caan, toujours parfaits, et Diane Keaton, et ...

Au commencement était le livre. Un livre de Mario Puzo qui devint rapidement un best-seller dès sa sortie. De ce livre, Puzo et Coppola en feront en scénario. Ne trouvant personne pour réaliser le projet, Coppola se lance dans sa réalisation suite aux conseils avisés de son ...

Qu’est-ce qui fait d’un film un très grand film ? Comment expliquer que s’impose à vous dès le premier plan-séquence, qui part du visage de l’interlocuteur pour très lentement révéler le Parrain, une épaisseur et une puissance qui ne se démentiront pas un seul ...