Brooklyn Affairs est l’adaptation, assez libre, du roman "Les Orphelins de Brooklyn", de Jonathan Lethem. Lorsque le livre est publié en 1999, Edward Norton souhaite immédiatement le porter à l’écran mais il lui aura fallu 20 ans. Le temps pour faire les choses bien et surtout, changer l’époque du récit de 1999 à 1950 : « Je devais mener énormément de recherches pour transposer le roman dans les années 50, explique-t-il, et coller à ce que je voulais raconter sur le New York de cette époque. » La deuxième raison, c’est qu’à l’époque, Edward Norton n’a que 30 ans. « Je me trouvais trop jeune, explique-t-il. Je souhaitais que Lionel ait une certaine lassitude. » Et puis tout simplement, il y a eu des rendez-vous ratés entre le projet et l’industrie... Les studios étant souvent rétifs à produire ce genre de projets, risqués financièrement.
Pour le film, Edward Norton a demandé à Thom Yorke, leader de Radiohead, d’écrire une chanson originale. Ce fut chose faite avec Daily Battles. Plus généralement le réalisateur voulait un score jazz, « analogie parfaite pour La Tourette », dit-il, plus particulièrement be-bop. C’est pourquoi il a écrit le personnage du jazzman, joué par Michael K. Williams. Quand il approche le compositeur anglais du Roi Arthur ou de Steve Jobs, Daniel Pemberton, il lui demande une musique d’un côté « très mélodique, classique et jazz » et de l’autre côté « plus proche du son de Radiohead pour figurer l’intériorité de Lionel ». Avec pour référence commune la musique des Chariots de feu de Vangelis, Daniel Pemberton compose l’une des partitions les plus sophistiquées de 2019.
Le personnage de Moses Randolph fait irrémédiablement penser à ces puissants américains, autocrates, épicuriens et virilistes qu’on retrouve au top des mégalopoles. Les thématiques de racisme, de ségrégation, de misogynie, du tout- capitalisme que brasse Brooklyn Affairs sont en 2019 plus que jamais d’actualité, avec Trump au pouvoir. Or, l’interprète de Moses Randolph, c’est Alec Baldwin. Et Alec Baldwin depuis l’élection de Trump en fait une caricature plus vraie que nature dans l’émission satirique Saturday Night Live. Un clin d’œil de la part de Norton ? « J’ai parlé de ce rôle à Alec bien avant 2016, se défend-il. J’avais du mal à voir qui que ce soit d’autre. Il a une stature shakespearienne. J’avais en tête le Alec Baldwin de Glengarry (un film de 1992). Bien sûr il est excellent en comédie mais quand il incarne des rôles comme Moses, il est irrésistible. »