À CONTRETEMPS

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Parce que son titre original, « En los márgenes », littéralement « En marge », s’avère explicite, on aurait vite tendance à accoler au film À contretemps l'adjectif très cinéphile de kenloachien. À juste titre puisque le film raconte trois histoires de précarité. Celles de trois personnes en passe de perdre leur logement, ou la garde de leur enfant. 

Il y a d’abord la question du logement, inspirée par le réalisateur Juan Diego Botto par Olga Rodríguez, journaliste et co-scénariste du film. La crise économique de 2008 à entraîné des conséquences terribles en Espagne, où des milliers de personnes se sont retrouvées surendettées ne pouvant s'acquitter de leur emprunt ou de leur loyer. Entre 2008 et 2013, plusieurs dizaines de milliers de personnes se sont faites expulsées. Parce que là encore, la référence à Ken Loach vient tout de suite : celle de pointer du doigt des aberrations du système et de montrer les conséquences au quotidien pour les gens « normaux ». 

Le cinéma a raconté cette crise ô combien complexe. La fiction a principalement traité de son versant financier, avec Margin Call ou The Big Short. Côté documentaire, l’excellent Cleveland contre Wall-Street adoptait un regard plus social. Des habitants de cette ville de l’Ohio se constituaient collectivement partie civile contre Wall Street qu’ils accusaient d’être responsable de ces saisies immobilières. Or, et sans surprise, les banques rejetaient toute responsabilité.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver AN ELEPHANT SITTING STILL (L'exercice du film choral est périlleux. A Contretemps et An Elephant Sitting Still en sont deux des plus récentes réussites, chacune avec son ton et son rythme (quasi opposés par ailleurs) mais usant de cette structure avec brio.) ou encore MARGIN CALL (Le film parle du versant financier de la crise économique de 2008. A Contretemps en montre une des conséquences les plus néfastes avec l'expulsion des gens de leur logement.).

Si À contretemps n’évoque que très peu la dimension macro de cette crise, elle se penche sur les conséquences pour des personnes aux profils très différents : immigrés ou pas, travailleurs précaires ou retraités, c’est tout un pan de la population qui est touchée. Ce n’est dès lors pas un hasard si le réalisateur nous plonge dans une vraie assemblée où de vraies personnes exposent leur cas et leur désarroi. La présence de stars comme Penelope Cruz (en partie à l’initiative du projet) ou Luis Tosar ne sont que des portes d’entrée vers le réel. D’ailleurs, une partie du casting est composée d'acteurs non-professionnels.

Parce qu’il fallait rendre ce film haletant, et ainsi coller à ce quotidien, Juan Diego Botto fait se dérouler l’action sur une seule journée. Un compte à rebours existe puisqu’au petit matin, il sera trop tard. Les frères Dardenne avaient opéré de la même grammaire issue du polar dans Deux jours, une nuit, où le personnage de Marion Cotillard ne disposait que d’un weekend pour convaincre ses collègues de ne pas céder au chantage de leur patron. 

Parce que l’activisme comme sacrifice ultime aurait pu faire passer ces bons samaritains pour des modèles à suivre, le cinéaste nuance son propos. En faisant de Rafa, le personnage de Luis Tosar, un homme plus dévoué au collectif qu’à sa propre famille, le film questionne aussi ce sacrifice. Ainsi, le cinéaste filme avec la même urgence une petite-fille enlevée de chez elle par la police que la course contre la montre de Rafa pour être à l’heure à l’échographie de sa femme. Ce qu’il offre aux anonymes, il le retire à sa femme. Non pas que ce schéma soit une fatalité, mais un risque auquel s’exposent tous les activistes.

Parce que À contretemps se conclut non pas sur une solution miracle – les personnes en marge vont le rester – mais avec une ode au collectif, il gagne en force. Hermàn retrouve sa mère mais impossible de savoir s’il arrive à temps pour la sauver. Rafa, littéralement mis à la porte par son épouse, a noué des liens avec son beau-fils et reste plus que jamais actif au sein du collectif d’aide aux personnes en voie d’être expulsées. On le perd dans cette foule mobilisée, comme lové par le réconfort du collectif. Le dernier plan du film se fige sur Azucena, bel et bien expulsée mais le poing en l’air, la révolte en étendard. Surtout, autour d’elle, des mains et des cris de révoltes : elle est aussi entourée par ceux qui ne la laissent pas tomber.

Les banquiers, ça fait chier. Particulièrement quand ils font saisir les logements de foyers précaires qui peinent à rembourser leurs crédits immobiliers. Caissière et mère de deux enfants, Azucena fait tout pour éviter d’être expulsée pour défaut de paiement. Dépassé ...

Lire d'autres critiques ici : https://doisjelevoir.com/À contretemps aborde plusieurs thématiques fortes, mais celle qui se démarque le plus est celle des expulsions. Le film dépeint avec réalisme l'injustice qui entoure ces situations déchirantes où des familles se ...

"À contretemps" est un vibrant plaidoyer pour la justice sociale et un témoignage poignant de la lutte quotidienne des plus vulnérables dans une société en pleine mutation. Juan Diego Botto nous emmène dans les rues de Madrid, où le temps est compté pour Rafa, ...