VIVRE DANS LA PEUR (VERSION RESTAURÉE)

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C’est un tragique fait d’actualité qui a inspiré le scénario de Vivre dans la Peur, également connu sous le titre de Si les oiseaux savaient. En mars 1954, un bateau de pêche japonais le  "Fukuryu Maru" croise non loin des îles Bikini où les Américains font exploser une bombe H. Une pluie radioactive s’abat sur l’équipage contaminant les 23 marins. L’un d’eux mourra six mois plus tard des suites de cette irradiation.

Le Japon est sous le choc, d’autant que le traumatisme d’Hiroshima et de Nagasaki est, bien sûr, très présent dans les esprits. Le compositeur Fumio Hayasaka, fidèle collaborateur et ami d’Akira Kurosawa confie alors son angoisse au cinéaste : "comment travailler quand on vit dans la menace ?" Cette phrase va stimuler l’imagination du réalisateur qui venait de tourner Les 7 Samourais. Il s’attelle à un scénario et le tournera quelques mois plus tard.

Film méconnu de l’auteur de Rashomon, Vivre dans la Peur met en scène un industriel totalement terrorisé par la menace nucléaire qui décide de quitter le Japon pour se mettre à l’abri avec toute sa famille dans une ferme au Brésil. Mais ses proches, imperméables à sa panique, s’opposent à son projet et le considèrent comme un dément. Toshirō Mifune, acteur fétiche de Kurosawa, hérite du rôle de ce riche patriarche de 70 ans. Le jeu du comédien et les prouesses du maquillage ne laissent penser à aucun moment que le comédien n’avait que 35 ans à l’époque !

 
Dans le même genre vous pouvez trouver THE LAND OF HOPE (Peu de temps après la catastrophe de Fukushima, le réalisateur Sono Sion tourne ce film qui confronte les Japonais au sujet toujours tabou du nucléaire.) ou encore GODZILLA (1954) (Parce que le célèbre lézard géant est dès 1954 une façon pour les Japonais d'exorciser le souvenir de la guerre et la peur de l'atome.).

Après le tournage cauchemardesque des 7 Samourais, échelonné sur près d’un an et perturbé par de nombreuses difficultés, Akira Kurosawa a démarré les prises de vues sous de meilleurs auspices et dans des conditions plus confortables. Le studio Toho a déployé des moyens importants au niveau des décors. L’usine de Kiichi a ainsi été construite en deux versions : avant et après l’incendie. De même, pour compléter la séquence du tramway circulant dans Tokyo et tournée en extérieurs, une station a été reconstituée pour les plans où les personnages discutent après en être descendus.

Un drame bien réel est cependant venu endeuiller le tournage de ce film à l’ambiance de plomb. Le compositeur Fumio Hayasaka, qui avait fourni au réalisateur le point de départ du scénario, a succombé à la tuberculose. Il était âgé de 41 ans. Les prises de vues s’arrêtèrent pendant plusieurs jours et lors de l’enterrement la musique qu’il avait composée pour Les 7 Samourais fut jouée.  Hayasaka n’avait pas eu le temps de finir sa partition pour Vivre dans la Peur et c’est son assistant Masaru Satō qui prendra la relève. Ironiquement, au moment où le cinéaste commençait le travail, il avait dit au compositeur : "Il faut que nous fassions une œuvre dont nous pourrions être fiers en nous présentant devant Saint Pierre".

Sorti après les immenses succès que furent Vivre ou Les 7 Samourais, Vivre dans la Peur n’a pas vraiment trouvé son public au Japon. Ce premier échec commercial de Kurosawa n’a pas pour autant semé le doute chez son auteur. Il savait qu’il avait fait ce film trop tôt. A vrai dire, les ravages des premières bombes atomiques datent alors de dix ans à peine et la guerre froide qui a suivi maintient un climat de tension et d’insécurité : les spectateurs japonais se détournent de cette histoire chargée d’une angoisse qu’ils voudraient oublier. Kurosawa, de son côté, avait une vision des choses toute différente. Il avait été très marqué par une phrase de son grand frère qui lui avait dit après un séisme "si tu fermes les yeux devant un spectacle effrayant, la terreur va finir par te gagner. Si tu le regardes en face, il n'y a plus rien qui puisse te faire peur."

Les horreurs d'Hiroshima et Nagasaki auront pour longtemps une répercussion sur le Japon et notamment son art, à l'image du célèbre Godzilla. Akira Kurosawa aura aussi été marqué par ces événements et la peur engendrée, ce qu'il évoque dans Vivre dans la Peur en 1955. ...

La vision qu’entretient Kurosawa de l’humanité est depuis les débuts de sa filmographie très proche de celle de Dostoïevski, et ce nouvel opus ne déroge pas à ses obsessions. Toujours ancrée dans l’histoire sacrificielle du Japon, l’intrigue évoque directement le ...

M'attendant à un film mineur, je fus plus que surpris par l'ampleur du thème évoqué et son traitement, celui d'une famille cherchant à placer sous tutelle le père richissime industriel dont la peur atomique ruine les comptes de la famille et le pousse à vouloir faire émigrer ...