LES SORCIÈRES DE SALEM (VERSION RESTAURÉE)

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En 1956, alors qu’il entame les répétitions de Thé et Sympathie au théâtre de Paris où il devait diriger Ingrid Bergman, Raymond Rouleau (52 ans) a enfin la possibilité de porter à l’écran Les Sorcières de Salem, la pièce d’Arthur Miller qu’il avait, lui-même, mis en scène avec succès au théâtre Sarah-Bernhardt deux ans plus tôt avec (déjà) Yves Montand et Simone Signoret. Très attaché à ce projet, il s’y attelle immédiatement, abandonnant la belle Ingrid aux bons soins de Jean Mercure.

Alors que la pièce, inspirée d’un fait divers célèbre aux Etats-Unis, avait été adaptée en France par Marcel Aymé, c’est Jean-Paul Sartre qui rédigera le scénario du film. A la fin du 17e siècle, non loin de Salem, village du Massachusetts, la jeune Abigail (Mylène Demongeot) est servante chez John et Elisabeth Proctor (Yves Montand et Simone Signoret), d’austères colons anglais, membres d’une secte protestante aussi fanatique qu’intolérante. Renvoyée par la frigide Elisabeth pour avoir séduit son mari, Abigail se vengera en s’adonnant à la sorcellerie.

Cette vengeance aboutira à une vingtaine de pendaisons et à d’innombrables arrestations, suite à une terrible chasse aux sorcières emprunte d’hystérie collective, évidente allégorie d’une autre chasse aux sorcières, beaucoup plus contemporaine, celle du sénateur Joseph McCarthy, devant la commission duquel Miller sera, lui aussi, traîné, suite aux dénonciations d’Elia Kazan. Longtemps resté invisible, voici Les Sorcières de Salem, la version restaurée par Pathé en 2016.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver LA SORCIÈRE (1956) (Sorcellerie et jalousie en Suède. Un an avant Mylène Demongeot, Marina Vlady, accusée d’être une sorcière, sera la victime de tout un village.) ou encore L’EXORCISTE (1973) (Autres temps, autres moeurs... mais le Malin sévit toujours !).

Production franco-est-allemande, le (long) tournage du film que vous venez de voir eut lieu en partie dans les studios Pathé de la rue Francœur à Paris mais, aussi et surtout, dans les studios est-allemand de la DEFA à Babelsberg, dans la banlieue de Berlin. C’est là que, quelques mois plus tôt, Simone Signoret avait tourné dans Mère courage de Wolfgang Staudt, un film (finalement inachevé) produit par la DEFA, compagnie d’Etat de la RDA, créée dix ans plus tôt en lieu et place de la dissoute UFA. Ayant sympathisé avec le ministre de la Culture, la star française lui proposera de coproduire la version cinématographique des Sorcières de Salem. Après la sortie du film, Signoret expliquera devant les caméras de la RTF avoir, comme Montand, mis son cachet en participation afin que le projet se concrétise et que Raymond Rouleau puisse, enfin, revenir à la mise en scène de cinéma – abandonnée depuis une bonne dizaine d’années –, lui qui, précisait-elle, le "méritait plus que personne".

Evoquant ses qualités de directeur d’acteurs, Signoret espère que les jeunes interprètes du film s’en souviendront. "Pour un acteur, explique-t-elle, c’est un souvenir qu’on ne doit pas oublier." Elle ne croit pas si bien dire ! Mylène Demongeot (21 ans), se souviendra, en effet, longtemps de ce tournage, mais pas pour les mêmes raisons. Dans Tiroirs secrets, livre de souvenirs paru en 2001, elle évoque, en effet, la perpétuelle mauvaise humeur du metteur en scène : "Rouleau hurle après tout le monde, rien ne va jamais comme il veut". Mais c’est surtout au couple Montand-Signoret que la comédienne en voudra longtemps, n’hésitant pas à rapporter quelques épisodes bien peu reluisants. Ainsi évoque-t-elle notamment le jour où "Casque d’or" revendit, au prix du marché et à la petite cuillère très méticuleusement pesée, 5kg de caviar, cadeau de l’ambassadeur de Russie ! Sans oublier le jour de la première projection privée où elle lui lança un définitif et condescendant : "Eh bien mon petit ! Tu pourras toujours faire des ménages" !

C’est grâce à Mylène Demongeot (encore elle !) que l’on comprit pourquoi les Sorcières de Salem fut longtemps un film invisible. On aurait pu penser que la sortie en 1996 de la Chasse aux sorcières, nouvelle version de la pièce d’Arthur Miller – adaptée par lui, réalisée par Nicholas Hytner et interprétée par Daniel Day-Lewis et Winona Ryder –, était la cause de cet injuste purgatoire. Que nenni ! La comédienne expliqua, en effet, que c’est Arthur Miller, lui-même, qui fit en sorte de suspendre l’exploitation du film après avoir découvert Yves Montand dans les bras – et même, dit-on, dans le lit – de sa femme : Marilyn Monroe !

Les Sorcières de Salem est un objet étonnamment peu connu du cinéma français, une pépite non pas incontournable ou transcendante, mais un de ces films à l'originalité notable qui était resté relativement confidentiel. Il prenait tranquillement la poussière sur des étagères ...

Chers abonnés, lecteurs occasionnels, je reviens à l'écriture sur ce site pour défendre une œuvre méconnue qui m'est très chère. Une fois n'est pas coutume. Ce chef d'œuvre réunit rien moins qu'un duo de stars françaises, un immense dramaturge américain et un des ...

« Il n’y a de sorcellerie que là où l’on y croit, n’y croyez pas et il n’y en aura plus. » Massachusetts 1692 Dans le petit village de Salem la colonie puritaine au grand complet s’apprête à célébrer dimanche, jour du Seigneur, où la moindre tâche entreprise ...