LA JURÉE

en VOD

Sans être aussi populaires au cinéma que les policiers ou les assassins, les jurés n’en titillent pas moins l’imagination des scénaristes. Car ils tiennent dans leurs mains le destin d’un homme, jugeant en leur âme et conscience de sa culpabilité ou de son innocence. Or ces hommes et ces femmes ne sont que des hommes et des femmes, justement, victimes de préjugés, souvent inaptes à oublier leur propre situation lorsqu’il s’agit de peser le pour et le contre au moment du verdict.  C’est ce qu’André Cayatte a su brillement mettre en lumière dans Justice est faite. Il faut dire que réalisateur avait été avocat avant de se lancer dans le cinéma. C’est également le thème central de Douze hommes en colère, le premier film de Sidney Lumet, dans lequel Henry Fonda, au départ le seul à douter de la culpabilité de celui qui se trouvait dans le box des accusés réussit à retourner patiemment les onze autres jurés qui pour des raisons diverses sont quant à eux certains d’avoir affaire à un coupable. Il arrive que dans certains cas les jurés soient soumis à de terribles cas de conscience. C’est le cas de Bernard Blier, 7ème juré dans le film de Georges Lautner auquel il donne son nom. Notre homme est en effet dans une situation cornélienne car il sait que le meurtrier n’est pas dans le box, puisque le responsable de la mort de la jeune femme étranglée n’est autre que lui-même.

Le cas de la jurée qui nous intéresse ici est tout aussi compliqué, puisqu’elle a pour tâche de convaincre ses co-jurés de prononcer un verdict clément, condition nécessaire à ce que son fils, qui est entre les mains d’un tueur, soit relâché. On s’en doute, La Jurée est davantage un thriller qu’une réflexion sur l’univers judiciaire. Ce qui n’a rien d’étonnant d’ailleurs, puisque le scénariste, Ted Tally avait été recruté à grands frais, un million de dollars, pour adapter le roman de
George Dawes Green. Un montant peu commun, mais Tally était encore auréolé  du triomphe du Silence des agneaux, dont il avait signé le script. Sans avancer que l’on puisse à coup sûr reconnaître sa patte, il faut bien admettre qu’il y a chez le professeur, tueur à gages subtil et effrayant de La Jurée, des airs d’Hannibal Lecter, psychopathe de légende s’il en est.

Même si La Jurée au final a davantage à voir avec d’autres films mieux ancrés dans le quotidien, comme cet Au-delà des lois, de Joel Schumacher, sorti sur les écrans quelques semaines plus tôt, dans lequel Sally Field entreprenait de se faire justice elle-même par amour pour son enfant défunt. Pour ne rien dire de Trial by jury, inédit en France, mais dont la trame est en tous points semblable à celle de l’œuvre dont il est ici question. On ne dressera pas la liste des films mettant en présence un tueur poisseux et psychotique et des innocents devant relever le défi s’ils veulent survivre. Remarquons néanmoins que La Main sur le berceau, de Curtis Hanson, Pacific Heights, de John Schlesinger ou encore Jeune femme partagerait appartement de Barbet Schroeder datent tous de la même période. Le thème est donc porteur autant que dans l’air du temps. En fait, si tous ces films jouent avec nos nerfs, c’est bien parce que les scénarios sont écrits sur le fil du rasoir et que les protagonistes jouent au chat et à la souris avec une certaine délectation. Ou même qu’ils se livrent à une partie d’échecs dont nous ne savons pas l’issue ni quelles sont les pièces qui seront sacrifiées.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver LE SILENCE DES AGNEAUX ou encore LE 7E JURÉ .

On l’a vu, si La Jurée reste un thriller, il ne joue pas pour autant la carte du huis clos ni ne s’oblige à une unité de lieu. C’est ainsi que si la plus grande partie du film se déroule à New York et ses environs, on ne va pas plus loin que le New Jersey, dans le Palisades Interstate Park pour être précis, l’épilogue nous transporte au Guatemala. Qui n’est d’ailleurs pas le Guatemala, puisque c’est Metepec, au Mexique, qui en tient lieu.

Un peu d’exotisme pour le très européen réalisateur Brian Gibson. Car si le film répond aux canons hollywoodiens des studios, il n’en est pas moins signé par un Anglais. Un Anglais à qui l’on doit la seconde mouture de Poltergeist mais dont l’œuvre reste marquée par son amour de la musique rock. C’est à lui que l’on doit Breaking glass, subtile réflexion sur la rock’n’roll attitude à l’heure de l’irruption des punks. Il a également signé le biopic consacré à Tina Turner, sobrement intitulé Tina. Mais que l’on nous permette d’avouer une certaine tendresse pour son Still crazy, portrait chaleureux d’un groupe de rockers has been dont le temps n’a pas entamé la pétulance. Brian Gibson n’aura quant à lui guère l’occasion de faire de vieux os ou de sombrer dans le pathétique, puisque le réalisateur est mort en 2004 à l’âge de 59 ans.

Mais à vrai dire, La Jurée étant un film de studio, c’est sans doute davantage son producteur que l’on doit créditer. Et le producteur, justement, n’est pas n’importe qui. Irwin Winkler. On lui doit un bon nombre de films marquants, et un brin contestataires, des années 70, de On achève bien les chevaux jusqu’à Des fraises et du sang. Son nom est également associé à plusieurs films de Martin Scorsese, dont Raging Bull. Le signe d’un goût pour la boxe, puisque la série des Rocky porte également sa griffe. Tous comme les films réalisés par des cinéastes français de renom, Bertrand Tavernier pour Autour de minuit et Costa-Gavras pour Music Box et La Main droite du diable. On lui doit également sept films en tant que réalisateur dont les plus ambitieux sont incontestablement les deux premiers : La Liste noire, une dénonciation du maccarthysme, et La Loi de la nuit, remake du superbe Forbans de la nuit, de Jules Dassin.

Les seconds rôles de La Jurée méritent également d’être salués, à commencer par Anne Heche, qui incarne la meilleure amie de l’héroïne et que les auteurs du film sacrifient sans rechigner. La pauvre aurait pu en tirer des leçons. Même pas : elle périra quelques temps plus tard sous la douche et les coups de Norman Bates dans le très fidèle remake de Psychose concocté par Gus Van Sant.

Je m’aperçois que j’ai cité plusieurs remake depuis le début de cette chronique. Que voulez-vous le cinéma a ses raisons que la raison financière n’ignore pas. Permettez-moi de mentionner également celui de Guet-apens, le thriller de Sam Peckinpah, revu et corrigé par Roger Donaldson. En lieu et place de Steve McQueen et Ali McGraw, ce sont Alec Baldwin et Kim Basinger, ensemble eux aussi à la ville comme à l’écran, du moins à cette époque-là. Car il fut un temps dans les années 90 où ces deux-là faisaient partie des couples les plus en vue d’Hollywood. Et Alec Baldwin, qui ici nous fait frémir, portait beau. N’était-il pas l’aîné d’une incroyable fratrie d’acteurs, dans laquelle Stephen, William et Daniel savaient tenir leur rang. Depuis lors leur étoile a terni et le bel Alec s’est lui-même un peu empâté. Comme on a pu le voir dans le récent Pas si simple, aux côtés de Meryl Streep.

Demi Moore était elle aussi au sommet de sa gloire au moment de La Jurée. Et le couple qu’elle formait alors avec Bruce Willis n’y était pas pour rien. Tout comme sa capacité à ne pas s’en laisser conter. Notamment quand elle pouvait faire la preuve de la qualité ses appâts. Par exemple le jour où David Letterman a suggéré qu’elle était un peu trop enrobée pour jouer dans Strip-tease, elle s’est déshabillée sur le plateau de son émission. N’a-t-elle pas posé nue en couverture de Vanity Fair alors qu’elle était enceinte ? Et n’a-t-elle pas embauché trois cameramen pour la filmer quand elle a donné naissance à son premier enfant, Rumer ? Elle aura deux autres enfants avec Bruce Willis, mais nul ne saurait dire s’il existe des témoignages vidéo de la naissance de Scout LaRue et de Tallulah Belle… Avec de tels prénoms, voilà des enfants qui ont pris un joli départ. Il est vrai que Demi est le diminutif de Demetria, une marque de shampooing que sa mère avait aperçu dans un magazine peu avant sa naissance !

Est-ce en raison de cette image de femme très libérée, mais il faut reconnaître que Demi Moore faisait partie il y a peu des actrices les plus bankable, comme on dit en français, d’Hollywood. Au moment de La Jurée elle émargeait à 5 millions de dollars, cachet acquis deux ans plus tôt pour Harcèlement, où elle faisait déjà preuve d’un solide appétit pour les choses de la chair. Mais c’est après La Jurée que sa côte allait atteindre des sommets, puisqu’elle touchera 12 millions de dollars et demi pour son Strip-tease, au demeurant plutôt sage. Parmi ses morceaux de bravoure, citons également A armes égales, où elle avait la lourde tâche de montrer que les femmes, sont aussi dures à cuire au sein d’une unité d’élite de l’armée américaine que leurs homologues masculins. Une performance physique indéniable pour Demi, qui a accepté de se raser le crâne. Mais reconnaissons-le et quelle que soit notre affection pour l’actrice, ce n’est pas le meilleur film de Ridley Scott !

Un bon film de suspense avec un duel Demi Moore / Alec Baldwin qui fonctionne bien. Un scénario relativement classique correctement interprété par les acteurs. Un jeu "du chat et la souris" réussi. ...

Plus que dans un film procédural, le scénario de ce métrage se base surtout dans les rapports qu’entretiennent Annie Laird (Demi Moore) et son maitre-chanteur, Teacher (Alec Baldwin). La jurée est un thriller psychologique dont le principal ressort est le pur suspense, bien ...