LA DERNIÈRE SÉANCE

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Sorti aux Etats-Unis en 1971, comme Duel de Steven Spielberg ou THX 1138 de George Lucas, en cette période où Hollywood et le cinéma américain sont en train de se transformer, La Dernière Séance est un film charnière, qui regarde en arrière vers les années 1950, prises entre la fin du conflit mondial en Europe et la guerre de Corée. Par ailleurs, c’est un chef d’œuvre qui raconte le vide, la peur de grandir et la difficulté d’appartenir à une communauté où personne ne peut éternuer sans que tout le monde le sache. Tourné en noir et blanc, pour restituer au mieux l’époque, le film, adapté du roman de Larry McMurtry se passe dans un bled texan où une poignée d’habitants, jeunes et moins jeunes, semblent à jamais figés dans un monde pourtant en train de disparaître. Le premier plan nous montre une rue principale déserte balayée par le vent, où l’on s’attend presque à voir un saloon, tant cette ouverture se réfère au Western, genre américain par excellence. Mais au lieu de ça, on découvre une salle de billard, un cinéma, et le silence est bientôt rompu par la musique de l’autoradio d’une camionnette à l’avant de laquelle deux jeunes gens échangent quelques mots. La vie de Duane (Jeff Bridges) et Sonny (Timothy Bottoms), en dernière année au lycée, se résume aux matches de football, à la fin des cours, aux virées avec leurs petites amies, aux conversations de bar et aux films. Leurs parents sont absents, quelques adultes traînent leur ennui et le trompent parfois avec la femme de l’un ou le mari de l’autre. La seule «famille» des deux garçons semble être celle qu’ils se sont choisie : une «mère» bougonne mais chaleureuse en la personne de Geneviève, serveuse philosophe et un «père», Sam le Lion, figure tutélaire qui a toujours régné sur la ville comme une sorte d’autorité respectée de tous, un shérif des temps «modernes» détenteur d’un savoir unique sur la ville et qui est aussi, surtout, le propriétaire du bar-billard et de la salle de cinéma. Pour incarner ce dernier, le réalisateur a choisi Ben Johnson, acteur qui tourna sept films sous la direction de John Ford, dont Le Convoi des Braves et Rio Grande (1950). Au cours des repérages, Bogdanovich a découvert en Archer City, située à quelques kilomètres de Wichita Falls, le décor parfait, et pour cause : Archer City est bel et bien la ville décrite par Larry Mc Murtry sous le nom d’Anarene, dans son roman largement autobiographique. L’écrivain a continué la saga de ce coin perdu du Texas en écrivant ensuite Texasville en 1987 (également adapté par Bogdanovich) et Duane’s Depressed en 1999. Il est aussi l’auteur du best seller Terms of endearment (Tendres passions) (1975) adapté avec succès à l’écran par James L. Brooks en 1983, et le coscénariste oscarisé de Brokeback Mountain de Ang Lee (2005) d’après le roman de Annie Proulx.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver LA FUREUR DE VIVRE DE NICHOLAS RAY (1955) (Portrait d’une jeunesse américaine juste après la guerre : difficulté de grandir et avenir incertain...) ou encore RAGING BULL DE MARTIN SCORSESE (1980) (Film tourné en noir et blanc, choix esthétique fort du metteur en scène, comme ce fut le cas pour Peter Bogdanovich avec La Dernière Séance.).

Pour convaincre Ben Johnson, un peu réticent, d’accepter le rôle de Sam le lion, Peter Bogdanovich lui déclara qu’il y gagnerait un Oscar. Il avait raison ! L’actrice Cloris Leachman, interprète de Ruth l’épouse délaissée du coach Popper et qui devient la maîtresse du jeune Sonny a également été couronnée de l’Oscar de la meilleure actrice dans un second rôle. Ce furent les seules statuettes remportées en 1972 par La Dernière Séance, pourtant nommé huit fois. Cette année là, à égalité de nominations, c’est French Connection de William Friedkin qui rafla la mise avec cinq récompenses majeures. Cybill Shepherd, alors mannequin, trouve ici son premier rôle ; et Timothy Bottoms, qui venait de s’illustrer en soldat réduit à l’état de légume dans Johnny got his gun de Dalton Trumbo confirme l’étendue de son talent. Face à eux, Jeff Bridges fait figure de vétéran puisqu’il a débuté enfant à la télévision avec son père Lloyd et son frère Beau. Tous trois se retrouveront, en couleur cette fois, dans Texasville, toujours adapté de McMurtry par Peter Bogdanovich en 1990. Celui-ci, né à Kingston dans l’Etat de New York en 1939, apprit l’art de l’acteur avec Stella Adler dans les années 1950. Amoureux du cinéma, il devint programmateur pour le Museum of Modern Art de New York et écrivit des ouvrages sur Orson Welles, John Ford, Allan Dwan, Fritz Lang et Howard Hawks, ainsi que des critiques de films dans le magazine Esquire. Ses débuts de réalisateur, il les doit à Roger Corman, qui produisit en 1968 ses deux premiers long métrage La Cible puis Voyage to the Planet of Prehistoric Women. Son troisième film, La Dernière Séance connut un énorme succès et la presse américaine le compara à Citizen Kane d’Orson Welles. Malgré deux comédies qui firent des merveilles au box office, On s’fait la valise, doc ? (1972) et La Barbe à papa (1973), la carrière de Bogdanovich a ensuite connu des hauts et des bas, mais Nickelodeon (1976) et Et tout le monde riait (1982) restent de petits bijoux qui, comme La Dernière Séance, gagnent en force à chaque nouvelle vision.   

Les premières images en noir et blanc nous font entrer dans une ville fantôme de western : un bled paumé où le vent soulève la poussière et fait rouler les tumbleweeds dans la rue centrale; un patelin d'où les jeunes ne rêvent que de s'échapper, et où la quasi absence ...

Sur la base de seulement deux films vus (même si les deux films en question, celui-ci et La Barbe à papa, n'ont bien sûr pas été choisis au hasard), je crois déceler chez Peter Bogdanovich une sensibilité qui m'est très intelligible et à laquelle je suis particulièrement ...

La Dernière séance brosse un portrait de la jeunesse texane des années 50, déchirée entre envies de vivre sa vie à fond, de découvrir le plaisir sexuel et entre les moeurs austères de l'époque où l'Amérique était encore plus puritaine. C'est une chronique assez rude ...